Réflexions sur le confinement

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Cela fait trois jours que nous vivons en confinement, et déjà de premières tendances émergent. Je suis certains que vous les sentez frémir en vous. Tâchons de mettre des mots là-dessus.

L’arche de Noé

Nous sommes tous enfermés chez nous, avec nos enfants. Tous isolés des uns des autres. Je ne sais pas comment les familles en garde partagée s’organisent, mais cela risque d’être sportif. Quant aux célibataires, cela va vite devenir très ennuyeux (au fait, j’ai un bon article avec plein d’idées pour eux). Pour les familles, aussi nombreuses soient-elles, cela ressemble de plus en plus à l’arche de Noé, les animaux en moins (sauf pour certains).

Un séjour avec ses proches, ce n’est pas désagréable. Sauf que pour celui-là, on ne sait pas vraiment quand il prendra fin. Une sorte de séjour à l’hôtel California, dont les journées se succèdent et se ressemblent, au point que j’ai eu (déjà) du mal, ce matin, à savoir quel jour nous étions. Certains pourront peut-être faire le parallèle avec la prison, mais il ne faut pas exagérer : on dispose de bien plus de liberté chez soi qu’entre les quatre murs d’une geôle.

Le jour sans fin

Seulement trois jours, et pourtant les journées semblent se répéter. Peut-être à cause de ce nouveau bureau dans lequel nous sommes amenés à travailler, à distance, avec les mêmes outils : mail, téléphone, visioconférence, chat. Entre les quatre murs d’une chambre ou du salon. Un rituel finit par s’installer, nous avons tous nos tics : mon câble de recharge par ici, mon verre de café par là. Surtout ne rien déranger d’un jour à l’autre, on risquerait de perdre en efficacité, toute relative.

Est-ce un bien, est-ce un mal ? Je n’en sais rien. Nous avons tous besoin de rituels. Tant qu’il est possible de les respecter, c’est que cela va bien. Et c’est peut-être mieux ainsi. Cela évite de se poser trop de questions sur ce que nous renvoient les écrans, nos écrans, que nous sommes amenés à consulter d’heure en heure, à coups de notifications, attendant on ne sait quelle bonne nouvelle, pour autant qu’elle puisse arriver dans un délai acceptable. La progression diminue-t-elle ? L’antivirus est-il au point ? Ce confinement va lentement se transformer en une épreuve que nous mènerons, chacun à notre échelle, contre le temps.

Le sentiment que cela va durer

Officiellement, nous sommes partis pour quinze jours à la maison. Quinze longues journées, par chance, ensoleillées en région parisienne. Mais en réalité, on sent qu’on est partis pour deux bons mois, voire plus, d’enfermement chez soi. Le rush vers les supermarchés en a été le signe le plus éclatant, certains ont cru à une rapide pénurie de denrées essentielles, ce dont je doute fort.

Un à un les grands événements disparaissent de notre calendrier. Le concours de l’Eurovision, les tournois de tennis du grand-chelem, les matches de football, les premières courses cyclistes du printemps. La session parlementaire est suspendue. Les synagogues ferment leurs portes (enfin!). Et j’en viens à me demander si les grands jeux télévisés ne vont pas tomber eux aussi en pénurie d’épisodes préenregistrés, ou si nous n’allons pas épuiser le stock de publicités.

C’est que, malheureusement, la courbe de progression du nombre de victimes ne s’est toujours pas inversée. Le confinement en région parisienne a provoqué un exode vers la province, signe d’une prochaine évolution dramatique de la pandémie en région, qui fera durer le confinement quelques jours de plus. Et la progression du virus reste encore significative dans bon nombre de pays.

Des disparités locales de traitement de la pandémie

Partout, les mêmes mots d’ordre : rester à la maison et respecter les distances. Mais certains pays adoptent des mesures différents en amont, en fonction de leur capacité de dépistage. Il semblerait que les statistiques publiées par les différents états ne soient pas établies sur les mêmes bases. La capacité d’accueil des hôpitaux intervient également, et il est peu probable que les comparaisons qu’on tente d’établir ça et là entre l’évolution de la pandémie en Italie, en France, en Iran ou aux États-Unis soient probantes.

La seule statistique qui compte, en réalité, c’est la courbe qui reflète le nombre de décès. Ou plutôt … sa dérivée seconde. Et à part pour quelques pays asiatiques, cette dernière est encore loin de devenir négative. Les équipes de médecin, sur le pont depuis le début de la pandémie, auront-elles la force de mener cette guerre jusqu’au bout ?

Le nécessaire maintien du lien social

Rester reclus chez soi n’est pas le propre de l’espèce humaine. Le lien social manque à celles et ceux qui respectent l’isolement. On voit donc exploser l’utilisation des outils de socialisation en ligne. Groupes WhatsApp familiaux (élargis aux grands-parents et aux autres foyers), appels en FaceTime, discussions sur Facebook, conférences sur Zoom ou autres outils collaboratifs, semblent ne jamais plus devoir cesser.

C’est à se demander comment nous aurions vécu cette crise sanitaire si elle s’était produite quinze ans plus tôt, avant l’avènement des réseaux sociaux, des smartphones et de la vidéo en streaming. Et si ce maintien d’espaces de discussion ne nous permet pas, au final, de conserver cette part d’humanité qui nous éloigne des décisions irréversibles. Ces outils, dont on disait qu’ils marquaient la fin du lien social il y a encore quelques jours, et dont on regrettait l’usage par le pus grande nombre, sont devenus salutaires. Et il faut rendre aussi hommage aux entreprises et aux individus qui continuent de permettre ce fonctionnement. Les bits circulent peut-être seuls, mais il faut encore des individus pour actionner l’ensemble. L’IA n’est pas encore aux commandes.

À l’aube d’un monde nouveau

Cette épreuve nous marquera à vie. Car on ne traverse pas de tels combats sans séquelles. Séquelles psychologiques pour la plupart d’entre nous, mais aussi physiques, voire pire, pour d’autres, et parmi eux, des proches, des amis. Comme l’a si bien dit Emmanuel Macron au soir du 16 mars 2020, « …le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant« .

La Terre, que nous avons exploitée, avilie et maltraitée, nous renvoie à nos contradictions. Nous l’avions voulue plate ? Voici qu’elle reprend ses formes, réduisant toute forme de transport et de trafic, terrestre, maritime ou aérien, au service minimum. Les bateaux de croisière se sont transformés en prisons flottantes. Les avions ne volent plus. Et nos véhicules sont à l’arrêt forcé. Nous pensions n’avoir jamais été aussi proches les uns des autres ? Voici que la Terre nous sépare, et nous enferme dans des millions de cellules, confortables certes, à proximité immédiate de nos congénères, mais totalement coupés du monde.

Seuls, par millions.

« …le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant« 

Serons-nous plus forts, comme il le prétend ?

Et saurons-nous vraiment en tirer les conséquences ?

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