Et Mitterrand devint président…

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Il y a des événements si marquants, que nous nous souvenons tous, plus ou moins, de ce que nous faisions au moment où ils se produisirent. La chute du mur de Berlin, l’attentat contre les tours jumelles, en font évidemment partie. Tout comme le 10 mai 1981, date de la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle. J’allais alors vers mes quinze ans, et j’ignorais, comme tout le monde, qu’on s’acheminait vers une présidence d’une durée presque aussi longue que ce que j’avais vécu jusque là.

Le changement, c’était maintenant

Il y avait d’abord cette image, qui semblerait sortir d’un minitel – mais gare à l’anachronisme, le terminal télématique ne viendrait envahir notre quotidien que quelques années plus tard. À l’époque, il n’y avait ni twitter, ni les blogs : la surprise était totale, à l’heure où le visage de Mitterrand apparut sur nos écrans. Une surprise, et une certaine sympathie, je dois le reconnaître. Pour le fils d’enseignants que j’étais alors, voir le leader de la gauche renverser Valery Giscard d’Estaing représentait une victoire morale, plus qu’historique. Un vent de modernité allait souffler; nous semblait-il, sur la France toute entière. Giscard était le président d’une certaine bourgeoisie, morale et intellectuelle, à laquelle le monde enseignant n’appartenait pas, dans une grande majorité. Je me souvenais encore de la campagne de 1974 et de ses slogans : la défaite de la gauche avait représenté une immense déception. Et les débats animés, au sein de ma famille, oncles et tantes, marquait bien cette fracture entre le monde des petits fonctionnaires, et celui des professions libérales et des petits patrons.

Il faut dire que le septennat de Giscard, pourtant marqué par un vent de réformes durant ses deux premières années, s’était peu à peu assoupi, quasiment auto-anesthésié. Si Jacques Chirac avait donné du rythme durant les deux premières années, le second premier ministre, Raymond Barre, était le symbole le plus éloquent de cette somnolence. L’affaire des diamants de Bokassa, relayée par le Canard Enchaîné, avait terni l’éclat présidentiel. Et la sortie du même Raymond Barre, au suet des quatre français innocents qui avaient trouvé la mort dans l’attentat de la rue Copernic avait créé un certain émoi au sein de la communauté juive. Il s’agissait probablement d’une maladresse, mais n’est pas dans ces moments qu’on attend, de la part d’un premier ministre, un peu plus de délicatesse que de maladresse ?

La farce tranquille

Avec l’arrivée au pouvoir de Mitterrand, beau-frère de l’acteur Roger Hanin, et qui s’était entouré de conseillers d’ascendance juive – de Robert Badinter, ministre de la justice qui mit fin à la peine de mort à Jacques Attali, éminence grise du pouvoir en place – on se disait que ce président allait mettre un terme à quatorze années de dissonance incompréhensible entre la France et Israel. Les relations étaient bien froides entre les deux pays, depuis l’embargo sur les ventes d’armes au proche-orient en 1967, jusqu’à la construction de la centrale nucléaire irakien sur fond d’amitié entre Jacques Chirac et Saddam Hussain. Mitterrand serait le premier président de la 5ème république à se rendre en Israel, et cela aussi confortait une partie de la communauté, qui lui apporterait son soutien.

Alors foin des ministres communistes ! Qu’allaient réellement peser le ministère des transports, de la santé, de la formation professionnelle ou des réformes administratives quand il s’agissait de moderniser la France ? Qui croyait vraiment que leur présence au gouvernement serait le signe d’un quelconque rapprochement avec le régime en place à Moscou ? Reagan ou Thatcher pourraient râler autant qu’ils le souhaitaient, on allait partir vers de nouvelles trente glorieuses, peut-être moins sur le plan économique, mais ô combien sur le plan culturel. Pour la première fois, un ministre la Culture occupait plus de place que celui de l’intérieur ou des affaires étrangères. Et que dire de la libéralisation des ondes ? La bande FM, autrefois réduite à deux ou trois stations, s’ouvrait enfin à la diversité : Radio Ici et Maintenant, Carbone 14, ces stations ont disparu mais non leur souvenir.

Les avons-nous vécues ces trente glorieuses ?

Les choses s’avérèrent bien plus compliquées.

Il y eut Mauroy. Il y eut Fabius.

Puis plouf !

La France désunie

L’euphorie qui suivit l’accession de Mitterrand au pouvoir ne put rien faire contre l’ordre des choses. Confrontés à la réalité du pouvoir, les socialistes réalisèrent certes de nombreuses réformes, mais ne purent endiguer le chômage, et jouèrent un jeu dangereux avec la proportionnelle, qui permit au Front National de sortir de l’ombre. Pire, la gauche dut faire face aux premières affaires, aux premiers scandales, qui ébranlèrent la confiance des Français. Mitterrand s’en sortirait, certes, à chaque fois, au prix de quelques sacrifices et de pirouettes étonnantes. Il traversera la cohabitation de manière quasi parfaite, malgré la maladie qui le rongeait déjà, et enchaîna avec un second septennat.

Puis vint le temps des révélations. Sur sa vie privée, d’abord, et le secret si longtemps gardé, comme s’il s’agissait d’un secret d’état de la même importance que l’emplacement de nos sous-marins nucléaires. Les liens d’amitié avec René Bousquet, ensuite, qui ébranlèrent et finirent par écoeurer jusqu’à ses plus fidèles partisans.

Démarrées sur les chapeaux de roues, les quatorze années de présidence de François Mitterrand laisse le sentiment d’une immense déception. Celle d’avoir porté au pouvoir une icône, capable du meilleur comme du pire.

Et comme souvent, on ne retient que le pire.

Ce qui est bien dommage.

Car il nous reste la fête de la Musique…

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