À Polytechnique – X1901

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Hervé Joly, directeur de recherche au CNRS qui s’intéresse à l’histoire des élites, réalise probablement, avec À Polytechnique – X1901, une première : un livre consacré aux X d’une promotion et d’une seule. S’il existe de nombreux livres sur l’histoire de l’Ecole polytechnique, je ne crois pas avoir déjà vu de livre consacré à une promotion spécifique. Pourquoi cette promotion là et pas une autre ? Peut-être parce que cette promotion ne compte pas de très grande figure, ayant marqué l’histoire, mais est constitué d’X devenus, pour la plupart, anonymes, alors qu’ils ont fait partie de l’élite de leur époque. Peut-être aussi parce qu’en ce début de XXème siècle, nous sommes à l’aube de grandes mutations et qu’il semble intéressant de voir quel rôle les X de cette époque ont alors tenu.

Nous voici donc plongés, dès les premières pages, dans le quotidien de ces 180 élèves qui vont constituer la promotion 1901. Hervé Joly ne nous épargne aucun détail, tenant le décompte minutieux des candidats qui réussissent, échouent, passent d’une promotion à la suivante pour raison de santé, pour se retrouver, deux ans à peine après leur admission, propulsés dans la vraie vie.

Cette phase du livre est intéressante à plus d’un titre. D’abord, parce qu’on y découvre l’organisation du concours il y a un peu plus d’un siècle. Pour les gens de ma génération, ou les X plus jeunes, cela relève quelque peu du folklore. Les classes préparatoires existaient déjà, et la domination des parisiennes également. Mais le type d’épreuve, l’organisation des examens, le fait qu’on pouvait passer le concours à 3 ou 4 reprises, sont pour moi de réelles découvertes.

Hervé Joly s’intéresse ensuite à a carrière des X de la promotion 1901, en distinguant les « corpsards », de ceux qui embrassent une carrière militaire – encore nombreux à cette époque – et ceux qui, démissionnaires, vont bénéficier de parcours somme toute assez variés.

Raconter le parcours de près de deux cent individus, entre le début de leurs études en 1900 et leur mort quelques décennies plus tard aurait pu occuper plusieurs centaines de pages. D’autant plus que le siècle dernier a connu des bouleversements majeurs, auxquels ont été confrontés les héros de cet essai sociologique. L’auteur se limite donc à quelques dizaines de figures, aux parcours plus ou moins réussis. Ces portraits sont classés de manière à illustrer des thématiques – les X et l’armée, les X et l’entreprise, les X et la famille, les X et la guerre et même les X et le sport ! Une telle approche apporte certes de la variété, mais n’empêche pas une certaine redondance. Certaines figures, comme Hinstin ou les deux Bloch, semblent avoir les faveurs d’Hervé Joly, et on les retrouve à de nombreuses pages, comm si leur parcours était plus intéressant que celui de leurs. collègues.

D’une telle série de portraits, n’importe quelle promotion pourrait en bénéficier. Peut-on en tirer des conclusions sur les X et ls élites ? La question est loin d’être anodine. Les promotions passent et ne se ressemblent pas. Si les X sont des machines intellectuelles élégantes, leurs profils sont plus variés qu’on peut le croire. Le livre le fait découvrir au travers de certains portraits, mais semble chercher à valider les thèses devenues courantes sur l’entre-soi des élites. Est-ce un travers particulier des X ? Je ne le crois pas. La solidarité construite sur des parcours initiatiques commun est l’apanage de tous les parcours élitistes, en France et ailleurs, d’Harvard à l’unité 8200. Pourquoi en vouloir particulièrement aux X?

Le véritable travers qu’on pourrait penser que ce livre dénonce – mais cela ne semble pas son intention première – c’est cette propension des X partis dns les grands corps à émigrer rapidement vers le privé, et notamment vers les secteurs les plus porteurs, banque et industrie au début du siècle dernier. Certains X 1901 en tirent des bénéfices importants, mais ils ne forment qu’une minorité. La grande majorité des profils qu’on rencontre dans ce livre sont des personnes cultivées, ayant traversé le siècle en faisant partie d’une bourgeoisie moyenne.

Arrivée à l’X en pleine affaire Dreyfus, la promotion 1901 présente une autre particularité : elle compte, étonnamment, une proportion importante d’élèves juifs – près de 10% L’auteur s’y intéresse particulièrement, et l’on découvre leur parcours, pour certains devenus cadre de l’armée française, sans que cela ne pose aucun problème. Âgés d’une soixantaine d’années au début de la seconde guerre mondiale, on découvre aussi comment ils ont traversé cette effroyable épreuve, avec plus ou moins de difficultés.

À Polytechnique – X1901 n’est pas un livre révolutionnaire, mais plutôt un recueil de courtes biographies classées par thème. Le lecteur curieux y passer un moment pas trop désagréable, quoique la lecture semble parfois un peu longuette. Mais ne vous attendez pas à y trouver le livre majeur sur l’Ecole polytechnique : d’autres auteurs l’ont déjà fait, avec plus de consistance.

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