X bis – un juif à l’École polytechnique

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Voici un livre que j’avais inscrit dans ma liste de lecture depuis pas mal d’années déjà. Son auteur, Bernard Lévi, est un polytechnicien un peu particulier : il a intégré l’École polytechnique en 1941, sous l’occupation, alors que l’école avait été transférée en zone non-occupée, et que le gouvernement de Vichy avait promulgué le statut des juifs, les rendant inaptes à la fonction publique et les contraignant à porter l’étoile jaune. Comment concilier le statut d’élève polytechnicien et envisager de porter l’infâme insigne sur le grand uniforme ?

Des Lévy et des Bloch

Petit-fils et arrière petit-fils de grand rabbin de France, fils et neveu de polytechnicien, Bernard Lévi sort d’une de ces grandes familles qui ont su concilier leur identité juive avec un sens du patriotisme aigu. Mais quand la France de Pétain capitule, le destin de cette grande famille bascule, comme celui de près de 300 000 juifs installés en France plus ou moins récemment.

C’est dans ce contexte que le jeune Lévi passe le concours de l’École polytechnique, par deux fois d’ailleurs, en 1940 et 1941. Lorsqu’il intègre en 5/2, le statut des juifs est déjà promulgué et il a la chance de faire parti du quota de juifs admis, 3% de 200 élèves, soit 6 en tout. Ce livre raconte son parcours, depuis le lycée avant la guerre, jusqu’à sa sortie en 1943, qui le pousse à s’engager dans la résistance, au sein d’un réseau de renseignement.

Épuration, j’oublierai ton nom

X bis est un livre terrible, qui fait le constat amer d’une épuration ratée, du moins largement évitée. La solidarité polytechnicienne à cette époque voulait dire quelque chose, et Bernard Lévi rappelle comment les erreurs antisémites, les errements vychistes des uns et des autres ont été rapidement passés sous silence.

Ce livre est donc doublement intéressant. D’une part, il relate un pan de l’histoire de l’École polytechnique peu ou mal connu des générations actuelles. On y retrouve quelques illustres qui ont collaboré avec conviction, comme Bichelonne, le major des majors. On y trouve, d’autre part, un récit très personnel de cette période, de ses détails comme de ses grandes lignes. Dernière particularité de ce livre, il s’appuie bien sûr sur des souvenirs personnels, mais aussi, et principalement, sur les lettres écrites par son auteur à un de ses amis proches, disparu peu avant la rédaction du livre : la fille de ce dernier ayant retrouvé les précieux échanges, conservés intacts par leur destinataire, les avait portés à Bernard Lévi, qui s’est appuyé dessus pour construire son récit chronologique.

Bref, voici un livre à lire sans hésiter.

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