Mon séjour chez les nazis

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Je lis régulièrement la rubrique littéraire hebdomadaire du Canard enchaîné, en page 6 de ce journal satirique. J’y trouve de temps en temps des livres hors du commun, livres d’histoire, essais ou romans, dont on ne parle pas ou peu ailleurs. Il s’agit parfois de réédition d’anciens livres, qui offrent un éclairage rétrospectif intéressant sur l’histoire passée.

C’est ainsi que j’étais tombé, il y a quelques années, sur l’étonnant Je brûle Paris. Il y a quelques semaines, j’ai découvert par ce biais un autre livre tout aussi passionnant : Mon séjour chez les nazis. Écrit en 1941 par Géraud Jouve, à la tête du bureau de l’agence Havas à Berlin de 1937 à fin août 1939, il constitue un témoignage surprenant des dirigeants nazis à la veille de l’entrée en guerre.

Deutschland über Alles

Agrégé d’allemand, Geraud Jouve qui tte l’enseignement au début des années 30 pour devenir correspondant de presse. Il occupe des postes à Berlin, Budapest, Bucarest, puis revient diriger le bureau berlinois de ce qui deviendra l’AFP de 1937 à 1939. C’est durant ces deux années qu’il est amené à côtoyer l’univers nazi, aussi bien ses dirigeants que ses infrastructrues.

Géraud Jouve retire de cette expérience une série de courts portraits d’Hitler et de sa clique : Rosenberg, Goering, Goebbels, Hess, entre autres. Il analyse aussi bien la personnalité de ces ordures, que les relations souvent tordues qu’ils ont établies au sein du parti et à la tête du gouvernement. Jouve montre d’ailleurs parfaitement comment les nazis ont créé une structure d’état parallèle à l’état allemand, amenée à phagocyter peu à peu l’administration officielle.

Un état dans l’état

La fin de l’ouvrage est consacrée à une analyse du fonctionnement de la Gestapo, ainsi que des relations entre les nazis et leurs nombreux visiteurs français, ministres, hauts fonctionnaires ou chefs d’entreprise, invités à venir visiter l’Allemagne nazie pour admirer sa force, et calmer les futures ardeurs belliqueuses de la France. Le travail de sape mené par Otto Abetz est ainsi mis en évidence, ce qui pousse Jouve à mettre la victoire allemande de 40 non pas sur une supériorité des moyens militaires, mais par la préférence de certains responsables français de se livrer à l’appareil autoritaire allemand pour se débarrasser ainsi du poids pris par le prolétariat. Thèse originale mais très rapidement brossée par Jouve, et à comparer à l’exposé minutieux de Marc Bloch dans l’Étrange défaite.

C’est peut-être le principal défaut de ce livre : Jouve n’est pas historien. C’est un journaliste, curieux et méticuleux, qui veut au plus vite prévenir ses compatriotes de l’immense danger que représente le pouvoir nazi pour le reste du monde. Ses analyses sont parfois erronées (comme celle de l’auteur de l’attentat raté de Georg Esler contre Hitler, en novembre 1939).

Commander, c’est prévoir

Mais son témoignage reste précieux et doit servir à comprendre que derrière toute dictature, derrière tout fascisme, il y a des faiblesses. Et que grâce à des individus comme Jouve, on peut envisager de les exploiter. À condition d’avoir l’information au plus vite…

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