Siège éjectable ?

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Cette année, le Salon international de l’agriculture est légèrement en avance, de quelques semaines, semble-t-il. Les amoureux de la nature peuvent en effet se réjouir d’une exposition ambulante de tracteurs, moissonneuses et autres engins agricoles aux abords de la capitale depuis ce matin. A86, A15, A13, A3 ou 16, ne vous inquiétez-pas, il y en aura pour tout le monde. Certes, cela manquera quelque peu d’exotisme, et pour se s’esbaudir devant la plus belle vache et le plus gros taureau, il faudra encore patienter jusqu’au véritable salon, prévu, lui en février prochain.

Pas sûr que si le siège de Paris, annoncé par quelques organisation d’agriculteurs mécontents, se prolonge plus que de mesure, nos compatriotes aient véritablement envie d’aller donner à manger aux poules à la Porte de Versailles. Et si jadis pâturage et labourage étaient les deux mamelles de la France, elles ont depuis longtemps cédé la place à bavardage et dézinguage.

Pourtant, ça avait l’air sympa, le métier d’agriculteur. Loin de la furie des grandes villes, de sa pollution et de ses stationnements payants. On avait même vu, plus ou moins, prendre forme une sorte de reconversion de certains de nos compatriotes, excédés de la vie en entreprise et de ses excès (excès de mails, excès de réunions, excès de prises de bec) dans des métiers plus proches de la nature. Las, n’est pas agriculteur qui veut. Faire fructifier la terre, cela demande de la patience et de l’abnégation.

Et justement, de l’abnégation, les agriculteurs en ont un peu marre. Pris entre des lois contraignantes, des exigences sanitaires de plus en plus strictes, la hausse des matières premières et la pression de la grande distribution (sans parler de la concurrence des pays à bas coûts de production), nos agriculteurs en ont marre. On peut les comprendre. Et le tout nouveau premier ministre l’a compris.

Il s’est d’ailleurs fendu d’un beau discours, il y a quelques jours, pour mettre en évidence ces injonctions paradoxales : on leur demande produire plus et moins cher en faisant fi des contraintes qu’on leur impose. Bizarrement, Gabriel Attal a oublié de dire que c’était aussi cela, le en même temps, le grand écart permanent. Comme par exemple laisser faire les blocus sur les autoroutes en province, mais envoyer des milliers de gendarmes protéger Rungis…

S’il y en a une qui doit se marrer, en douce, c’est probablement Elisabeth Borne. Partie en congés prolongés il y a moins d’un mois, elle a déjà pu éviter deux grosses crises, celle liée à la nomination de la nouvelle ministre des sports-études, et celle des agriculteurs en colère. Moins tragiques que les successions de 49.3, moins tout aussi éruptives, ces crises ont déjà sonné la fin de l’état de grâce pour le nouveau gouvernement.

Le siège de Paris s’annonce donc chaud.

Un siège chauffant.

Se transformera-t-il en siège éjectable ?…

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