25 recommandations pour l’IA en France

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Le voici le voilà, le nouveau rapport sur l’IA, intitulé « 25 recommandations pour l’IA en France« . 25, et pas une de plus ni une de moins. On est précis ou on ne l’est pas ! Autant vous dire que l’IA, on prend cela au sérieux, chez nous. On a même sollicité une groupe d’experts de très haut niveau pour cela, mêlant des talents reconnus à la fois pour leur savoir-faire technique que pour leur capacité à transformer les organisations, et des talents moins connus qui surement gagneront à le devenir…

Welcome to the pleasure dome

Le résultat, c’est un pavé un peu indigeste de 120 pages, bardé de jolies couleurs et de graphismes à la mode (des visages sans traits), qui énonce, non sans quelque grandiloquence, deux douzaines de recommandations et de sujets de préoccupation. Bref, un rapport bien à la française, avec la dose de social et de culture qu’il faut pour ne pas ennuyer le lecteur non féru de technique. 25 recommandations allant de « faire du dialogue social et de la co-construction la pierre angulaire du recours à l’IA » à « Éviter les positions concurrentielles dominantes« , en passant par « Attirer les talents pour construire les technologies et les usages de demain« .

Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas avec cela qu’on va faire peur aux Chinois et aux Américains.

Tout n’est cependant pas à jeter dans cet énième rapport sur « comment moderniser la France par la technologie ». À vrai dire, je me suis bien fait avoir sur les premières pages, qui exposaient assez clairement les données du problème : que l’IA n’était pas née d’hier mais existait depuis plus d’un demi-siècle, que l’accélération s’est produite durant les 30 dernières années sur des méthodes (l’apprentissage) déjà éprouvées, que c’est le mix accélération des processeurs + croissance fulgurante des données disponibles qu’on en est arrivé là, que le retard pris n’est pas inéluctable et qu’on peut encore agir, qu’il ne s’agit pas de courir après la dernière mode mais de créer des avantages comparatifs. Bref, ça partait sur de bonnes bases.

Une goutte de social, une pincée de concertation…

La suite, en revanche, est assez décevante de mon point de vue. Elle tombe dans les travers traditionnels de notre vision très franchouillarde de l’économie, une économie de talents qui vont résoudre les problèmes du reste de l’humanité. D’où une litanie de recommandations visant à investir dans la formation – tiens tiens, c’est vraiment super malin, a, de recommander au gouvernement d’investir dans la formation – et dans la concertation nationale – et hop, je vous remets une cuillerée d’études sur la non future disparition des emplois non qualifiées et le développement du bonheur au travail par la diminution des tâches répétitives.

Je doute que ce soit vraiment comme cela que l’IA deviendra une ambition nationale commune et un facteur de croissance. Car si je crois dans une certaine mesure à la nécessité d’un état entrepreneurial, je suis également fortement marqué par l’impact d’organisations comme le Darpa pour accélérer le développement de technologies disruptives. Il n’y a qu’à faire une ou deux recherches Google pour se convaincre qu’en matière d’investissements dans l’IA, les américains s’y prennent autrement, et avec succès. Je vous laisse lire :

What can we learn from Darpa ?

AI Next builds on DARPA‘s five decades of AI technology creation to define and to shape the future, always with the Department’s hardest problems in mind. Accordingly, DARPA will create powerful capabilities for the DOD by attending specifically to the following areas:

  • New Capabilities: AI technologies are applied routinely to enable DARPA R&D projects, including more than 60 exisiting programs, such as the Electronic Resurgence Initiative, and other programs related to real-time analysis of sophisticated cyber attacks, detection of fraudulent imagery, construction of dynamic kill-chains for all-domain warfare, human language technologies, multi-modality automatic target recognition, biomedical advances, and control of prosthetic limbs. DARPA will advance AI technologies to enable automation of critical Department business processes. One such process is the lengthy accreditation of software systems prior to operational deployment. Automating this accreditation process with known AI and other technologies now appears possible.
  • Robust AI: AI technologies have demonstrated great value to missions as diverse as space-based imagery analysis, cyberattack warning, supply chain logistics and analysis of microbiologic systems. At the same time, the failure modes of AI technologies are poorly understood. DARPA is working to address this shortfall, with focused R&D, both analytic and empirical. DARPA’s success is essential for the Department to deploy AI technologies, particularly to the tactical edge, where reliable performance is required.
  • Adversarial AI: The most powerful AI tool today is machine learning (ML). ML systems can be easily duped by changes to inputs that would never fool a human. The data used to train such systems can be corrupted. And, the software itself is vulnerable to cyber attack. These areas, and more, must be addressed at scale as more AI-enabled systems are operationally deployed.
  • High Performance AI: Computer performance increases over the last decade have enabled the success of machine learning, in combination with large data sets, and software libraries. More performance at lower electrical power is essential to allow both data center and tactical deployments. DARPA has demonstrated analog processing of AI algorithms with 1000x speedup and 1000x power efficiency over state-of-the-art digital processors, and is researching AI-specific hardware designs. DARPA is also attacking the current inefficiency of machine learning, by researching methods to drastically reduce requirements for labeled training data.
  • Next Generation AI: The ML algorithms that enable face recognition and self-driving vehicles were invented over 20 years ago. DARPA has taken the lead in pioneering research to develop the next generation of AI algorithms, which will transform computers from tools into problem-solving partners. DARPA research aims to enable AI systems to explain their actions, and to acquire and reason with common sense knowledge. DARPA R&D produced the first AI successes, such as expert systems and search, and more recently has advanced machine learning tools and hardware. DARPA is now creating the next wave of AI technologies that will enable the United States to maintain its technological edge in this critical area.

Le rapport que la Chine et les USA ne nous voleront pas…

Avouez que cela prend une forme totalement différente du rapport dont je vous cause depuis quelques minutes. Et qu’au lieu de pérorer pendant 120 pages sur les risques et les opportunités – bordel, on est en 2024, le premier ministre a moins de quarante ans, son prédécesseur avait fait l’X, aucun des deux n’a besoin de 120 pages sur les risques et opportunités de l’IA pour les comprendre – un vrai rapport sur l’IA prendrait une tournure radicalement différente et proposerait une demi-douzaine, pas plus, d’axes stratégiques majeurs de développement technologiques pour pousser l’IA a devenir un atout de la France. On montre l’objectif, la cible à atteindre, et tout le reste – entreprises, formation, investissements – se mettra en ordre de bataille. C’est comme cela que l’internet ou le séquençage du génome se sont développés aussi rapidement. Et pas à coup de rapports.

Vous imaginez un peu où on en serait si pour lancer le programme nucléaire dans les années 70, on s’était mis à pondre des rapports sur les risques et opportunités et la nécessité du dialogue social ?…

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