Philippe Chatrier : le cour(t) d’une vie

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S’il existe de nombreuses biographies consacrées aux grands sportifs, plus rares sont celles consacrées aux présidents de fédérations. Pourtant, certaines figures mythiques ont radicalement modifié la pratique du leur sport dans leur pays. C’est le cas de Philippe Chatrier, dont ce livre constitue la première véritable biographie. Écrite par sa bru, elle retrace le parcours de cet ancien joueur parvenu à une honorable 6ème place au classement des joueurs français, avant d’entamer une carrière qui l’a conduit à la tête de la Fédération Française de ce qu’on appelait alors le Lawn Tennis.

Fils unique d’un employé à la Bourse et d’une infirmière, Chatrier montre très tôt des dispositions pour la pratique du tennis. Adolescent durant la seconde guerre mondiale, il progresse rapidement pour atteindre un niveau national et participer à la Coupe Davis. Mais son parcours de tennisman n’ira pas plus loin.

Il se lance alors dans le journalisme, rejoint Paris-Presse, puis lance Tennis de france, premier magazine consacré à ce sport. Très vite, il s’oppose à la fédération, la FFLT, à qui il reproche une gestion pépère, un manque d’ambition flagrant, bref, d’être un ramassis de profiteurs qui ne défendent pas assez ce sport auquel il comptait déjà consacrer sa vie.

Il devient ensuite capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, sans réellement briller, puis participe à l’unification des circuits professionnels et amateurs, permettant l’essor du concept de tournoi Open (ouvert aux amateurs et aux pros). Le tennis mondial distinguait alors les deux univers, ce qui, pour nombre de joueurs, semblait relever d’un archaïsme néfaste au développement du tennis.

C’est en 1968 que Philippe Chatrier rejoint la Fédération. Il en devient le président en 1973, qu’il quittera en 1993. En parallèle, incontournable ambassadeur des instances du tennis français dans le monde, il prend la présidence de la Fédération internationale de tennis, poste qu’il occupera de 1977 à 1991.

Sous son impulsion, le tennis connaît une véritable révolution. En est-il la cause ou a-t-il bénéficié de l’opportunité unique que constituaient l’éclosion d’une génération de joueurs d’exception (Connors, Borg, McEnroe) et les débuts de la diffusion du tennis à la télévision ? Disons que Chatrier a très bien compris ce qui se déroulait sous ses yeux, et qu’il a su tout orchestrer pour que ce développement se passe sans accroc.

Constatant qu’au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, les grandes compétitions (Wimbledon et US Open) étaient retransmises à la télévision, il négocie l’accord avec les chaînes de télévision, accord toujours en place, et qui contribue à l’essor du sponsoring, notamment du partenariat avec BNP Paribas.

Mieux, il mobilise toutes les ressources à sa disposition pour développer le nombre de courts de tennis en France, ainsi que les structures de formation et d’apprentissage. Le résultat ne tardera pas : dix ans après son arrivée à la tête de la FFT, un joueur français, Yannick Noah, remporte le tournoi de Roland-Garros, battant en finale le favori suédois Matts Wilander.

2 heures trente de bonheur…

Chatrier, c’est ce monsieur en costume blanc, qui étreint Yannick Noah avant de lui remettre le trophée, la Coupe des Mousquetaires. Les deux hommes se sont rencontrés quelques années plus tôt, par l’intermédiaire d’Arthur Ashe, qui a repéré le jeune Noah lors d’un tournoi exhibition. Noah n’est que la partie émergée de l’iceberg. Leconte, Forget, Roger-Vasselin et tant d’autres, ont pu briller et vivre de leur passion grâce au travail mené par Chatrier, internationalement reconnu comme l’artisan du renouveau du tennis en France.

Séquence émotion

En une vingtaine d’années, le nombre de licenciés passe de 300 000 à plus de 1,3 millions ! Quand on compare à l’évolution d’autres sports, comme le golf, qui stagne depuis plus de trente ans, il n’y a pas photo. Chatrier a parfaitement rempli son rôle de président de fédération : visionnaire, engagé, il a consacré sa vie à ce sport. Le développement du tournoi de la Porte d’Auteuil a été tel, qu’aujourd’hui, il contribue à 80% du financement de la fédération.

Il faut dire qu’il n’a eu de cesse d’étendre la porté de ce tournoi, d’abord physiquement, en étendant la superficie de Roland-Garros. C’est ainsi qu’ont disparu les courts de tennis où j’ai appris à pratiquer ce sport, ainsi que les terrains de tennis et de foot où se déroulaient les séances de sport, quand j’étais scolarisé au lycée Jean-Baptiste Say. Passons. Mais l’extension dans la direction inverse, menaçant les Serres d’Auteuil, m’a toujours profondément déçu. Comme si l’immense triangle de plus d’un kilomètre et demi de périmètre ne suffisait pas à accueillir les compétitions de la dernière semaine de mai…

Bref, Philippe Chatrier fait partie de ces personnalités peu connues du grand public, qui façonnent pour longtemps la physionomie des domaines dans lesquels ils opèrent. À ce titre, il n’est pas étonnant qu’on ait attribué son nom au court central de Roland-Garros. Et Philippe Chatrier, le cour(t) d’une vie, a tout sa place dans la bibliothèque des amoureux de ce la petite balle jaune.

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