Le mage du Kremlin
Dans la catégorie des livres qui vous aident à vous forger une idée, en voici un qui tombe fort à propos. Sorti il y a à peine quelques semaines, et donc élaboré probablement quelques semaines avant l’invasion de l’Ukraine, Le mage du Kremlin est une plongée incroyable dans l’univers du pouvoir Russe. S’appuyant sur la récente histoire de la Russie et ses rapports avec l’occident, cette fiction retrace le parcours d’un conseiller de Vladimir Poutine, depuis la fin des années Eltsine jusqu’aux événements de 2014. Bien sûr, ce n’est qu’une fiction, mais le personnage principal est inspiré d’un individu qui a tenu ce rôle pendant une quinzaine d’années, Vladislav Sourkov, un peu comme le roman d’Aurélien Belanger évoquait la vie de Xavier Niel.
L’ascension de Vladimir Poutine
Fils d’un aparatchik russe dont la carrière a connu une fin inattendue suite à la chute du régime soviétique, Vadim Baranov, figure principale de ce livre, est un observateur fin de la société russe, et des rapports entre cet immense pays et le monde occidental. En ce début des années 90, la Russie découvre en effet le capitalisme sauvage, et cela ne se passe pas aussi bien que dans les pays occidentaux. Les héros de cette transformation majeure, qui deviendront les premiers oligarques, sont prêts à tout renier de leur pass russe, pour construire des fortunes incroyables.
C’est par le biais d’un d’entre eux, Boris Berezovsky, que Baranov va faire la rencontre de sa vie. Inquiet du déclin de plus en plus notoire de Boris Eltsine, qui sombre dans un alcoolisme aigu (voir ci-après), Berezovsky souhaite ainsi mettre sur orbite un cadre peu connu du FSB, un certain Poutine, destiné à restaurer un peu d’ordre dans cette société russe qui part en vrille. Ce dernier va non seulement saisir l’occasion, mais aller bien au-delà des espérances de l’oligarque, qui sera une des premières victimes de l’hégémonie poutinienne.
Au-delà de la description du régime mis en place par Vladimir Poutine, et sur sa garde rapprochée, le livre de Giuliano da Empoli livre une réflexion sur la politique, le pouvoir, le rapport entre l’autorité et le peuple dans une Russie qui se cherche. C’est aussi l’occasion de rappeler toutes les humiliations endurées par ce grand pays, à l’aune des progrès réalisés par la démocratie dans l’ancien bloc de l’Est, sous l’influence des Etats-Unis, jusqu’à des formes aussi extravagantes que cette conférence de presse passée à la postérité…
Bien sûr, il ne s’agit pas de justifier l’évolution récente de Vladimir Poutine, son intervention en Ukraine ou ses autres décisions. Mais de comprendre un peu mieux, par le biais du regard porté par Baranov, ce personnage de fiction qui finit par comprendre dans quelle galère il s’est embarqué, ce qui se passe à l’intérieur du cerveau de celui qui est devenu le nouveau Tsar de toutes les Russies, et n’est pas prêt d’en être délogé…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec