Hommes et destins

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Hommes et destinsParmi les auteurs étrangers que j’ai eu le plaisir de lire depuis de nombreuses années, Stephan Zweig est certainement l’un de ceux dont l’œuvre mériterait d’être enseignée aux élèves des lycées de France. Auteur de langue allemande, Zweig écrit dans un style, simple et agréable, qui passe remarquablement bien à la traduction française. Et ses textes sont des chefs d’oeuvre d’humanisme. Chacun de ses livres est un réel plaisir.

« Hommes et destins » n’est pas un ouvrage comme un autre. C’est un recueil de textes courts, des nécros pour beaucoup, qui rendent hommage à quelques figures remarquables que Zweig a connu ou fréquenté dans la période qui s’étale de la fin du 19e siècle au début de la guerre. Le texte le plus récent est celui consacré à Sigmund Freud, écrit quelques jours après l’invasion de la Pologne par les troupes allemandes.

Viennois de cœur, Zweig est français d’adoption et européen dans l’âme. Il porte donc une estime particulière à des individus qui se sont distingués par leur engagement pacifiste, comme Romain Rolland ou Jean Jaurès. Mais on trouve également dans ce recueil des textes consacrés à Nietzsche, Mahler ou Proust, de grandes figures de leur temps que Zweig n’a connu que de loin.

Parmi cette vingtaine de textes, j’en retiens deux particulièrement. Zweig consacre de longues pages à Theodore Herzl, qu’il a connu alors qu’il travaillait pour la Neue Freie Presse. Zweig rappelle qu’avant d’être le père du sionisme, et de porter sur ses larges épaules les espoirs de millions de juifs en perpétuel danger, Herzl a connu une courte mais brillante carrière d’écrivain à succès dans le Vienne de la fin du 19e. Le virage sur l’aile opéré par Herzl a surpris plus d’un viennois, et l’a transformé en objet de railleries et de quolibets, avant que la grandeur de son projet ne vienne rejaillir sur son image.

Le second portrait qui m’a frappé est celui du Dr Schweizer. Je ne connais ce grand homme que par le nom de quelques rues de France, j’ai découvert, grâce à Zweig, le parcours prodigieux de ce pasteur et éminent organiste, spécialiste de Bach, qui par l’argent récolté lors de ses concerts parvient, par deux fois, à construire des dispensaires en Afrique, et rendre à la population africaine exploitée jusque là par les européens un peu de la dignité qui leur était due.

Dans ses moindres détails, cet ouvrage, construit autour de textes presque centenaires, reste d’une stupéfiante actualité. Il faut relire Zweig.

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