À la conquête du consommateur citoyen #CampusTF1
« Nous avons intérêt au bonheur des générations futures« , c’est par ce slogan que démarre la matinée de conférence organisé par TF1 Publicité, à la Seine Musicale, sur la conquête du « consommateur citoyen ». Nous ne pouvons plus mentir, nous devons traquer la vérité. Il ne suffira pas d’avoir des campagnes ed communciation qui vantent le caractère social ou économique des produits. Il va falloir s’intéresser à la source, traquer les mauvais usages des matières premières ou l’emploi des enfants. Mais il ne faudra pas oublier de penser globalement: notre responsabilité n’est plus locale.
Analyse d’une tendance de fond
Prendre en compte l’intérêt général, cela prend plusieurs formes, comme des certifications, des lois, ou des déclarations d’intérêt, telles celle du patron de BlackRock, qui prévient, dans sa lettre aux actionnaires, que les sociétés qui ne s’engageront pas dans cette voie perdront le support du fond d’investissement.
BlackRock’s Investment Stewardship engagement priorities for 2019 are: governance, including your company’s approach to board diversity; corporate strategy and capital allocation; compensation that promotes long-termism; environmental risks and opportunities; and human capital management. These priorities reflect our commitment to engaging around issues that influence a company’s prospects not over the next quarter, but over the long horizons that our clients are planning for.
Larry Fink, 2019
L’approche « more good » s’impose peu à peu, explique Elisabeth Laville. Avec le digital, le consommateur dispose de plus en plus de moyens de contrôler l’origine des produits, leur qualité, les risques qu’ils présentent. L’impact positif n’est pas qu’écologique, il est aussi social et économique. Les deux clefs de l’impact positif: la mission (le purpose) et l’innovation. L’engagement positif devient un facteur de préférence chez les consommateurs. Sur les marchés où il y a peu d’acteurs engagés, cela joue de manière encore plus importante sur les préférences d’achat.
« Il n’y a rien de plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue » (V.Hugo).
— Christian Poinso (@PoinsoECSParis) 4 juin 2019
L’heure est venue pour la RSE et la communication responsable
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Les facteurs clefs de succès, selon Elisabeth Laville, sont:
- une raison d’être, ambitieuse et engagée
- des objectifs radicaux, avec parfois des renoncements
- de l’innovation disruptive, à la fois dans l’offre et le modèle économique
- un niveau élevé de transparence et de responsabilité: on n’attend plus d’une entreprise qu’elle soit parfaite, mais qu’elle soit honnête
Que disent les études, du consommateur citoyen?
Comment ces notions se traduisent-elles sur la réalité économique? Dans un contexte macro-économique plutôt bon, la perception des Français est tout autre: ils ressentent un sentiment de baisse du pouvoir d’achat, et cela se traduit sur leur manière de consommer. La baisse de la consommation n’épargne personne, mais elle touche principalement les classes moins aisées. Les classes plus aisées optent pour une « sobriété joyeuse », dixit Gaëlle Le Floch de Kantar. Certains produits sont en net recul, comme la viande, dont la consommation diminue de manière significative (cf. la dernière lettre des signaux faibles). Autre tendance, la confrontation entre hypermarchés d’un côté, et e-commerce et circuits de distribution spécialisés ou de proximité, sans oublier les magasins à prix cassés, dont le succès s’affirme encore plus chaque jour.
Les Français sont de plus en plus vigilants sur la qualité de leur alimentation. Le poids des dépenses alimentaires était tombé jusqu’à 15% des dépenses d’un ménage (vraiment ?), et remonte lentement à 17% (quelle hausse !), encore loin du poids du logement. On contrôle ce qu’on met dans son assiette, d’où le succès des applications comme Yuka Internet a donné aux consommateurs le pouvoir non seulement d’influenceur d’autres consommateurs, mais aussi les industriels! On est dans le « consommer moins » mais « consommer mieux ». Ce sont de véritables opportunités pour certains marchés. Le « bio », même s’il reste un marché de niche, connaît une croissance à deux chiffres depuis 5 ans. Le « végétal » (ie les produits de substitution d’origine végétale) connaît lui aussi un certain succès. Le « local », pour réduire l’impact écologique, est une tendance à suivre. Sans oublier le « do it yourself« , (et j’en sais quelque chose à la maison, où Mr Cuisine est devenu le compagnon préféré de Mme Kabla !)
Les marques de grande consommation ne sont pas épargnées, notamment auprès des « millenials »; ils ne représentent qu’un quart de la population, mais ont une influence grandissante, même auprès des seniors, qui demandent désormais, eux aussi, immédiateté (tout de suite – maintenant!) et hyper-connexion.
La prise en compte du bien-être animal a le vent en poupe. Nous ne deviendrons pas tous « vegan » demain (2% des consommateurs français, à ce jour), mais le « flexitarisme », c’est à dire la tendance à réduire sa consommation de viande, concerne 30% des consommateurs français.
Une marque emblématique et collaborative émerge: C’est qui le patron. Cette marque élaborée par des consommateurs propose un éventail toujours croissant de produits alimentaires.
Est-ce que cela marche, de consommer sur ses engagements RSE? En terme d’image, selon Kantar, c’est très bénéfique. L’année 2018 marche un tournant. On ne consommera plus comme avant. Des modèles de vie s’opposent.
Qu’en pensent les annonceurs?
Comment cela se traduit-il concrètement? Table ronde avec Cécile Riffard (La Banque Postale), David Garbous (Fleury Michon) et Bertrand Swiderski (directeur RSE chez Carrefour).
Pour Cécile Riffard, la RSE est une composante de l’ADN de la Banque Postale. Dans une période dee défiance prolongée vis à vis des banques depuis la crise de 2008, c’est un avantage. Et même si toutes les banques se sont mises sur ce créneau, la Banque Postale conserve une image d’engagement normal et historique. Elle reste la banque qui inspire le plus confiance aux Français, ne serait-ce que dans son approche personnalisée des clients les moins aisés.
Chez Fleury-Michon (la 2e marque la plus achetée en France), l’actionnaire demande que la société assure sa pérennité. Pour cela, il faut que l’offre corresponde aux besoins de l’époque. Au sortir de la guerre, l’enjeu était de nourrir le plus grand nombre de français, avec une alimentation de qualité. Mais aujourd’hui, les enjeux ne sont plus les mêmes, et il est nécessaire de faire bouger l’offre: basculement de l’offre jambon en label rouge, changement d’alimentation des animaux, gammes bio. Avec des résultats observables: par exemple au rayon charcuterie, David Garbous constate une progression de l’offre Fleury-Michon significative là où ses concurrents sont en perte de vitesse. Les consommateurs sont en avance par rapport aux entreprises (des industriels … aux banquiers), mais les changements demandés imposent des investissements colossaux, qui demandent de changer énormément de choses. La communication des marques doit accompagner ces changements, expliquer le mouvement d’amélioration permanent.
Chez Carrefour, on a créé un nouveau programme: « Act for Food« . Mais ce n’est pas si simple que cela. Supprimer certains produits bio, comme la tomate et la courgette, pendant les mois d’hiver, cela n’a pas suscité la réaction imaginée. Le consommateur engagé et responsable, ce n’est pas si simple. Ce que constate Bertrand Swiderski, c’est un rejet des matières plastiques depuis quelques années. Les produits bio équitables, par exemple, qui marchaient bien, marchent moins bien s’ils sont emballés dans du plastique: en changeant l’emballage, les ventes repartent à la hausse. Le concombre dans du plastique, cela ne marche plus; mais c’est complexe, car les machines qui les emballaient ne peuvent pas être reconfigurées simplement. L’emballage carton a le vent en poupe; mais pour les industriels, la transition prend du temps. Ce sont les consommateurs qui orientent ces changements (c’est eux les patrons), mais la vitesse de transition n’est pas la même côté conso et côté industriels ou distributeurs.
Le retour du consomm’acteur?
Qui sont les « consomm’acteurs »? 44% vivent dans des villes de moins de 50 000 habitants, 75 ans ne sont pas des CSP+, 87% ont plus de 35 ans. Ils ne sont pas toujours là où on les attend, ils regardent, régulièrement, des reportages, et sont moins portés vers les divertissements et la fiction.Cela peut avoir de l’influence sur le media planning.
Et au quotidien?
Catherine Puiseux, directrice RSE de TF1, rappelle l’engagement de l’entreprise depuis de nombreuses années, jusqu’au sein des journaux télévisés. L’information se veut moins verticale et plus proche du terrain (pour le spectateur quotidien, c’est déjà le cas au 13 heures depuis plusieurs années…). Sans prétendre à la perfection, la chaîne promet de poursuivre ses efforts, notamment sur a parité. Mais cela nécessite du temps, et une implication du collectif, et notamment du Comex.
Céline Orjubin, co-fondatrice de My Little Paris, observe depuis 2015 un besoin d’histoires engagées, dans la newsletter qu’elle diffuse à près de 50 000 abonnées. Le tournant, l’orientation de la quête de sens, c’est 2015, peut-être en lien avec les attentats, affirme-t-elle. Ces deux dernières années, elle constate deux nouvelles révolutions: écologie et féminisme. Ces deux thématiques sont celles qui suscitent le plus d’intérêt des lectrices.
Et en cas de problème avec le consommateur citoyen?
Comment faire pour rester dans le coeur du consommateur citoyen, même en cas de problème? En 1996, Shell coulait une plateforme rouillée en Mer du Nord, avant de subir les assault d’une campagne organisée par Greenpeace … même si quelques temps plus tard, l’ONG reconnaissait que la méthode adoptée était bien la plus écologique.
Vingt ans plus tard, les réseaux sociaux sont apparus. Plus besoin d’une ONG pour monter de telles opérations. Et bien entendu, les consommateurs les utilisent plus pour en dire du mal que du bien. Le smartphone a remplacé la télécommande, et devient une sorte de baguette magique. Les crises ne sont plus des critiques désormais, mais des crises d’indignation: la raison est dépassée par l’émotion, affirme Caroline Marchetti. Tout, sur internet, permet d’obtenir la confirmation des lubies qui nous hantent (comme les oranges qui transmettraient le VIH). Les plus grosses crises de ces dernières années, sont celles qu’ont traversé Lactalis, United Airlines et Volkswagen. Ce que ne supporte plus le consommateur, c’est qu’on lui mente. Le bad buzz se transforme en véritable crise quand le consommateur n’est plus respecté. Le moteur du citoyen, c’est l’élément pulsionnel; chez le citoyen, c’est l’élément inspirationnel.
Le meilleur conseil, d’après Caroline Marchetti, c’est d’être soi-même. Face à une campagne L214, Michel & Augustin a réagi immédiatement, en changeant l’origine des oeufs utilisés dans leurs produits, en dialoguant, et en expliquant: démarche partenaire et transparence totale. Idem chez Ferrero, attaqué sur l’utilisation de l’huile de palme, un produit qui, rappelons-le, est mauvais pour la santé de l’orang-outan si on la produit à partir de certaines palmeraies, mais qui reste inoffensif pour l’homme, et acceptable s’il est produit dans des palmeraies où n’habitent pas ces magnifiques primates de l’île de Bornéo. Bref, il faut parler, expliquer, penser long terme. Et être prêt à sacrifier certains produits ou processus, si on veut assurer l’avenir et la pérennité de la marque.
Notre époque est celle de la perte de confiance, en tant que valeur, au profit de l’adhésion. L’opinion d’aujourd’hui, ce sont les lois de demain…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Intéressant.
Changement de discours. Mais quid de sa mise en oeuvre ?
En tout cas, l’entreprise semble précéder la politique…