Son of Hamas
Si vous voulez en savoir un peu plus que la moyenne sur le Hamas, le mouvement terroriste d’obédience religieuse qui est à l’origine de l’attaque du 7 octobre 2023, voici un livre à lire absolument. Il s’agit de l’autobiographie du fils du cheikh Hassan Yousef, un des 7 membres fondateurs de ce parti en 1986. Le parcours de ce jeune homme d’une quarantaine d’années, qui a créé depuis peu son compte Twitter, est des plus étonnants. Du Hamas au Shin Bet jusqu’à sa conversion au christianisme, voici le parcours d’un personnage hors du commun.
Mosab Hasan Yousef est né en 1978 à Ramallah. Fils aîné d’un des leaders spirituels du Hamas, il accompagne son père, auquel il voue une dévotion particulière, dans tous ses engagements. S’étant procuré une arme pour venger l’arrestation de son père au début de la première Intifada, il est alors arrêté par l’armée israélienne et incarcéré pendant plusieurs semaines.
C’est alors que le Shin Bet l’approche pour lui proposer un deal : travailler pour les services secrets israéliens, et devenir un agent double au service de l’état qu’il considérait jusqu’à présent comme son adversaire.
Encore jeune et idéaliste, il accepte l’offre, ayant l’idée de se servir de cette offre pour assassiner des officiers du renseignement israélien une fois qu’il sera libéré. Mais c’est alors que va se produire l’incroyable…
Pour ne pas paraître suspect aux yeux des autres palestiniens en étant libéré trop tôt, Mosab Hassan Yousef va rester plusieurs mois dans en rétention administrative. C’est au sein de cette prison, où les quartiers sont découpés en fonction du mouvement auquel appartient chaque prisonnier – on ne mélange pas les membres du Hamas et ceux de l’OLP, dont les aspirations diffèrent trop – qu’il va prendre conscience de la véritable nature du Hamas et de ses principaux leaders, alors que ce mouvement n’a que quelques années d’existence. La violence, la cruauté, la perversité de ses dirigeants sautent aux yeux de Mosab Hassan Yousef qui va finalement accepter de travailler pour le Shabak.
Portant désormais un nom de code qui qualifie son origine familiale, le Prince Vert va collaborer avec son officier traitant pendant une dizaine d’années, développant une relation quasi amicale avec cet officier israélien dont il ne connaîtra le véritable nom qu’une vingtaine d’années plus tard. Les début sont relativement calmes, le début de la décennie 90 correspondant aux accords d’Oslo et à des perspectives de paix dans la région. Mais la seconde Intifada va tout bousculer. La collaboration va devenir intense, et le Prince Vert va, se ce n’es déjouer des attentats, permettre au mois d’identifier les responsables et d’arrêter certains terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte.
L’intérêt d’un tel livre, outre le fait qu’il redonne un peu l’espoir d’une véritable paix, c’est de découvrir l’envers du décor. Le point de vue des palestiniens sur ce conflit, tout d’abord. Mais aussi de rappeler certains événements, qui se sont déroulés il y a plus de vingt ans, avec un regard plus neutre que celui des médias traditionnels. Deux exemples viennent particulièrement illustrer cet aspect.
Le premier concerne l’expulsion de plus de 400 prisonniers palestiniens au nord Liban, en décembre 1992, après l’assassinatd d’un policier Israélien, Nissim Yoledano, par des membres des brigades El-Qassam. Je me souviens encore de cet épisode, j’étais en vacances dans le sud d’Israel pour les fêtes de fin d’année, et cet événement faisait la couverture des journaux. Pour Mosab Hassan Yousef, cet événement qui peut paraître mineur, eut en réalité un impact majeur : il mit en contact direct les principaux leaders du Hamas et du Djihad islamique .. avec le Hezbollah. Il faut se souvenir qu’au début des années 90, la téléphonie mobile et internet n’existaient quasiment pas, et que de tels contacts étaient tout bonnement impossibles. En autorisant cette décision insensée, Itzhak Rabin, alors premier ministre israélien, aller créer le ciment d’une alliance qui persiste encore, permettant l’importation de techniques terroristes (attentats suicides, tunnels) que les palestiniens ne pratiquaient pas encore.
Le deuxième exemple concerne l’épisode de la visite d’Ariel Sharon en 2000, dont on a prétendu qu’il avait déclenché la seconde Intifada. Il est particulièrement significatif. Mosab Hassan Youssef rappelle que c’est Arafat qui en était réellement à l’origine, et avait préparé cette seconde révolte, afin de faire capoter le processus de paix. Le Hamas, alors largement affaibli par plusieurs années de lutte fratricide avec l’OLP, était plutôt réticent à reprendre une lutte armée intensive. La visite de Sharon faisait suite à des travaux organisés par le Waqf destinés à effacer des traces archéologiques de la présence juive sur le mont du temple quelques jours auparavant. Arafat n’eu qu’à en prendre prétexte pour déclencher ce nouvel épisode sanglant.
Son of Hamas est un livre captivant, dont on ne ressort pas indemne. Le destin terrible de jeune homme, qui n’a eu de cesse de protéger les siens en adoptant un point de vue plus visionnaire que la moyenne, montre à quel point il est difficile de s’émanciper d’un milieu où tout est programmé pour enrtetenir la haine, la violence et la misère.
Et au cas où vous n’auriez pas envie d’acheter le livre, vous pouvez également retrouver l’histoire du Prince vert dans ce documentaire, diffusé sur DailyMotion.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec