Offshore : Le livre noir des paradis fiscaux

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Ancien juge d’instruction (et fils d’un ancien footballeur de l’OM…), Renaud van Ruymbeke livre avec Offshore : Le livre noir des paradis fiscaux un livre particulièrement effrayant. Effrayant et déprimant à la fois. Impliqué dans de nombreuses affaires d’évasion fiscale, de trafic d’influence ou de détournement de fonds publics, il détaille les mécanismes mis en place, toujours plus sophistiqués, et les maigres moyens mis en oeuvre pour lutter contre ce fléau.

Des paradis fiscaux, la plupart d’entre nous n’ont qu’une idée assez floue. Il faut dire qu’au fil du temps, les procédés se sont de plus en plus sophistiqués. Il y a un demi-siècle, il suffisait d’ouvrir un compte en Suisse, de créer une société bidon dans ce pays, de facturer des services fictifs depuis cette société, et d’aller retirer du cash au guichet. Certains clients bénéficiaient même de services de livraison de valises à domicile…

Mais les mesures permettant de tracer les opérations entre établissements financiers ont rendu plus risqué de passer par ce type de système. Désormais, et c’est le mérite de ce livre d’expliquer comment procéder – à bon entendeur… – la logistique s’est largement sophistiquée. Des sociétés ayant pignon sur rue vous proposent de créer des comptes et des sociétés écrans dans des pays à la fiscalité beaucoup plus souple, de trouver des prête-noms qui vous éviteront d’apparaître sur les registres des sociétés, bref une armada de services actionnables à distance.

Pourquoi une telle armada ? Parce que la lutte contre la fraude fiscale, l’évasion fiscale, le blanchiment de l’argent sale, a réellement progressé ces quarante dernières années, notamment sous l’impulsion des Etats-Unis, qui n’hésitent pas à interdire l’usage de dollars aux banques dont l’implication a été prouvée. Ce fut le cas avec HSBC il y a quelques années, une affaire révélée par un lanceur d’alerte.

ALors les fraudeurs et truands en tout genre s’adonnent à un nouveau sport : transférer leurs économies d’un compte à l’autre, brouillant ainsi les pistes. Van Ruymbeke l’explique, il est déjà difficile d’obtenir des informations du premier pays où des comptes offshore ont été ouvertes, le temps qu’on détecte le second pays où est parti l’argent, il aura changé plusieurs fois de destinations.

Qui profite de tels procédés ? Une grande variété d’individus. Du chef d’entreprise qui cherche à se constituer un pactole sur le dos de sa société, à l’industriel fortuné qui transfère ses avoirs dans un trust, mécanisme mis en place à l’époque des Templier pour assurer le transfert sans risque des biens des chevaliers partis en Croisade à leurs héritiers. De l’oligarque russe qui veut fuir la saisie de ses biens pour cause d’invasion de l’Ukraine aux crapules qui ont fraudé la TVA, notamment dans l’affaire du CO2. Des dictateurs africains aux barons de la drogue. Tout un monde qui peut se payer les services d’experts peu regardants, et notamment de banquiers avides de gains, pour détourner des avoirs qui s’élèveraient, selon le juge van Ruymbeke, à plusieurs trillions de dollars.

L’auteur finit par nous rappeler que cet argent détourné, c’est le nôtre, c’est le vôtre. De l’argent qui ne remplira pas les caisses d’états dont les infrastructures, le système de santé ou le système éducatif, sont basés, notamment, sur des rentrées fiscales régulières.

À terme, l’argent des paradis fiscaux minera nos démocraties. À sa manière, Renaud van Ruymbeke est un lanceur d’alerte. Saurons-nous l’écouter ?

Offshore : Le livre noir des paradis fiscaux, 272 pages, 20€

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