Miracle de Hanoucca : il y a le feu à l’Élysée…

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Hanouka, vous connaissez ? C’est la petite fête qui monte, qui monte, qui monte.

Hanoucca, ou la guerre du feu

Les juifs, c’est bien connu, aiment faire la fête. D’ailleurs leur calendrier est bourré de tels moments de joie et de célébrations en tout genre, occasions de retrouver les trésors de gastronomie issus des patrimoines culinaires de tous les pays où la diaspora à mis les pieds. Certaines sont courtes et ne durent qu’un ou deux jours, comme Pourim ou Chavouot. D’autres durent plus longtemps, et s’accompagnent de rites plutôt restrictifs en matière de célébrations, comme Souccot et ses cabanes, ou Pessah et ses pains azymes.

Deux fêtes se distinguent cependant des autres dans le folklore juif : Pourim et Hanoucca. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer la modernité du récit de Pourim il y a quelques années. Intéressons-nous ici à Hanoucca.

On se fait un grec ?

À l’origine, il s’agit de célébrer une victoire militaire. Et pas contre n’importe qui : la dynastie grecque des Séleucides, qui voulait tout simplement faire disparaître le judaïsme en interdisant la pratique religieuse, notamment le respect du chabbat et de la circoncision. La suite est connue : les juifs se révoltent, et menés par une famille de prêtres, les Maccabés, ils renvoient les Séleucides dans leurs 22. La suite est moins glorieuse, et Flavius Josèphe raconte, dans les premières pages de son récit de la guerre contre les Romains, comment les descendants des Maccabés, sur fond de lutte de pouvoir, vont ouvrir la porte à Pompée et à un pouvoir encore plus dévastateur que celui des Séleucides.

Bref, pour fêter cette victoire historique, nous célébrons un petit miracle, le miracle de la fiole d’huile qui dura huit jours au lieu d’un. Et depuis cette époque, nous répétons un rite très mignon, qui consiste à allumer des lumières sur un candélabre, appelé hanoukia, en partant d’une lumière le premier jour, jusqu’à huit lumières le dernier jour (la lumière la plus élevée ne sert qu’à allumer les autres). Autrefois, nos ancêtres utilisaient de l’huile, de nos jours, nous sommes passés à la bougie, plus pratique mais aussi plus dangereuse, le risque d’incendie involontaire n’étant jamais nul.

Tout a commencé ici…

Maoz Tsour

C’est mignon tout plein, c’est l’occasion de chanter des poèmes où. l’on célèbre les antiques victoires contre les régimes qui ont voulu éradiquer le judaïsme, de manger des beignets frits dans de l’huile. C’est tellement mignon, que, modernité aidant, on en est venu à rajouter quelques fioritures sans assise historique ni religieuse, comme disposer des hanoukiot (pluriel de hanoukia) électrique (donc sans huile ni bougie) à l’entrée des bâtiments à New-York, ou à s’offrir des cadeaux, par mimétisme avec Noel, fête chrétienne dont la proximité calendaire peut prêter à confusion.

C’est ainsi que la célébration de Hanoucca est devenu un rituel à la Maison-Blanche.

Et que depuis hier, l’allumage d’une seule petite bougie a mis le feu à deux siècles de laïcité en France.

Il y en a pour tous les goûts…

Il faut dire que le timing n’était pas des plus malins. Cela fait déjà le 7e Hanoucca (et quelques dodos) qu’Emmanuel Macron passe à l’Élysée, sans compter ceux passés comme secrétaire général… Si l’importance de cette fête était si majeure à ses yeux, pourquoi avoir attendu si longtemps pour allumer sa première bougie ?

Pire que cela, le président s’était fait remarquer par son absence lors de la marche de novembre dernier, contre l’antisémitisme. Nombreux sont ceux qui voient, dans cet allumage un peu trop médiatisé, l’occasion de se racheter à moindres frais, aux yeux d’une communauté meurtrie, qui vit dans la peur d’un progressif abandon.

Et puis, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les juifs dans leur ensemble, et les israéliens en particulier, occupent une place importante dans l’actualité depuis quelques semaines. Ce blog en est hélas le triste reflet, la multiplication des articles autour du judaïsme et de l’antisémitisme depuis quelques jours risque d’agacer certains lecteurs, et je me demande si je ne vais pas demander à El-Al ou à la boucherie Amsellem de devenir partenaire média…

La guerre du feu

Donc depuis quelques heures, il y a le feu à l’Élysée, et sur les réseaux sociaux. Des milliers de comptes, parfois tenus par des gens tout à fait fréquentables, houspillent le président en lui reprochant un coup de canif, voire de poignard, dans la laïcité. D’autres invoquent la séparation de l’Église et de l’État. D’autres, je vous laissent imaginer lesquels, parlent de deux poids, deux mesures.

Bref, Emmanuel Macron et le grand rabbin de France, en 93 secondes et deux bougies, sont en train de mettre la France à feu et à sang.

Personnellement, pourtant, je ne vois rien de mal à ce petit cérémonial élyséen. Et je m’indigne surtout de la tartufferie de nos compatriotes. En quoi le fait d’inviter un représentant d’une minorité religieuse est-il une rupture dans le contrat de l’État avec la laïcité ? En quoi célébrer un Noel à l’Élysée, ou l’Aid el-Fitr en avril prochain, serait-il un acte répréhensible ?

Qu’on me comprenne bien ici, je ne suis pas naïf. Bien sûr, il ne s’agit pas de célébrer toutes les fêtes de tous les calendriers de toutes les grandes religions rue du Faubourg Saint-Honoré. Ce serait totalement incompréhensible, et le président est élu pour faire autre chose que d’inviter des prêtres, imams ou rabbins, à festoyer dans les jardins du château.

Mais prétendre que marquer sa solidarité avec les représentants d’une grande religion serait une entrave à la laïcité, c’est autre chose. Allumer une bougie, un sapin ou rompre un jeune, ne sont pas des gestes de propagande ou de prosélytisme. Il n’est point question, ici, de conversion forcé, de transformer les représentants d’un culte en fonctionnaires, ou de lier le pouvoir à une quelconque force divine, à l’instar des rois de France.

Et dire qu’il suffisait d’inviter Johnny à l’Élysée, autrefois, pour mettre feu…

En réalité, les défenseurs de la laïcité qui s’arcboutent sur cette malheureuse hanoukia (attention, c’est dangereux) ne font qu’adopter une posture anticléricale un peu ridicule de nos jours.

Tout comme nombre de croyants sont devenus des extrémistes de la foi, les avocats de la laïcité sont devenus d’intolérants supporters d’une absence de toute forme de pratique, alors qu’ils baignent au quotidien dans un monde structuré par les grands monothéismes.

Cachez-moi cette bougie que je ne saurais voir…

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