Mélodies d’Auschwitz

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?

Bien que comportant souvent de nombreux points communs, les récits autobiographiques sur le passage en camp de concentration diffèrent à la fois par le parcours individuel de l’auteur, sa perception personnelle de l’univers concentrationnaire, et ce qu’il ou elle en retire. Le temps écoulé entre la déportation et l’écriture du témoignage joue également un rôle, et permet souvent une prise de recul, ou une analyse plus fine des autres récits sur la même expérience.

Le livre de Simon Laks, Mélodies d’Auschwitz, en est un parfait exemple. Publié plus de trente ans après les faits qui y sont décrits, il raconte l’expérience de l’auteur au camp d’Auschwitz-Birkenau, entre juillet 1942 et octobre 1944. Une période relativement longue, qui s’explique par son profil (Simon Laks était violoniste et compositeur), et par une bonne dose de hasard, comme il l’explique lui-même. Le hasard, en l’occurrence, ce fut un kapo à la recherche d’un 4e joueur parlant polonais, pour une partie de bridge…

C’est grâce à cette partie de bridge inespérée que Simon Laks put rejoindre la petite formation musicale créée par les SS au sein même du camp (il y en eut même deux, une chez les hommes et une chez les femmes !) en tant que violoniste, puis copiste / arrangeur et finalement chef d’orchestre.

Construit sous la forme de récits successifs qui font penser, par moments, à une sorte de retranscription d’un blog par écrit, ce livre porte un regard curieux sur l’univers du camp. On y découvre des portraits rapidement brossés, de certaines figures du camp. On y découvre aussi le goût prononcé pour la musique de certains SS et kapos, sans que cela n’améliore en rien leur image : fâché que l’orchestre continue à jouer un morceau au lieu de celui qu’il avait exigé qu’on joue en sa présence, un officier SS n’hésite pas à punir collectivement l’ensemble de l’orchestre. Mais on découvre aussi toutes les petites faveurs et les petits privilèges que procure une place dans l’orchestre, des cigarettes remises en cadeau – la monnaie d’échange du camp – jusqu’à de la nourriture…

Simon Laks livre ici un récit admirable. Sans être un livre de référence, comme Si c’est un homme, écrit par Primo Levi dès le retour du camp, Mélodies d’Auschwitz fait découvrir l’envers du décor, au travers du témoignage d’un artiste resté lucide dans ce monde pervers, où l’inversion des valeurs humaines faisait office de loi. Un livre à lire, et faire lire.

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?