Le silicium est de retour dans la Silicon Valley
Le dossier high-tech trimestriel de l’hebdomadaire The Economist était consacré la semaine passé au retour en grâce du silicium dans ce qui fut son berceau : la Silicon Valley. Alors que la demande de processeurs explose en raison des usages de plus en plus gourmands de l’intelligence artificielle, ce dossier ropose un excellent panorama de ce qu’il faut savoir sur ce sujet, si l’on n’est pas féru d’informatique et de semi-conducteurs.
Le dossier commence par une petite histoire qu’il m’a semblé utile de rappeler (on peut aussi consulter la version Wikipedia).
Acentury ago, 391 San Antonio Road in Mountain View, California, was the site of an apricot-packing shed. Today it is just one of the many low-rise office blocks on busy roads that house Silicon Valley’s tech startups and wannabe billionaires. In front of it, though, stand three large and peculiar sculptures, two-legged and three-legged forms that bring to mind water towers. They are giant versions of two diodes and a transistor, components of electronic circuitry. In 1956, 391 San Antonio Road became the home to the Shockley Semiconductor Laboratory, a startup devoted to the idea of making such components entirely out of silicon. It is the birthplace of Silicon Valley.
The firm, founded by William Shockley, a coinventor of the transistor, was a commercial flop. The embrace of silicon was not. In 1957 eight of Mr Shockley’s employees, whom he dubbed the “traitorous eight”, defected to start Fairchild Semiconductor less than two kilometres away. Among them were Gordon Moore and Robert Noyce, future co-founders of Intel, a chipmaking giant, and Eugene Kleiner, co-founder of Kleiner Perkins, a ground-breaking venture-capital firm. Most of the storied tech companies in Silicon Valley can trace their roots, directly or indirectly, back to those early Fairchild employees.
Les premières entreprises technologiques de la Silicon Valley ne s’appelaient ni Apple ni Google, et ne concevaient pas de logiciels, n’en déplaisent aux jeunes générations, mais faisaient plutôt de la physique pointue (Schockley venait de recevoir son prix Nobel pour ses travaux sur les semi-conducteurs), et fabriquaient des composants électroniques. Le fleuron des entreprises de cette époque reste sans doute Intel, qui régna, un temps, sur l’univers des microprocesseurs.
Mais tous les règnes ont une fin, et les fabricants de hardware, après de féroces batailles entre concurrents – qui se souvient encore de la guerre des clones de PC ? – laissèrent les entreprises qui concevaient des logiciels prendre le dessus. Microsoft (qui ne naquit pas dans la Silicon Valley mais à Seattle), puis Google ou Apple, finirent par devenir les géants dominateurs que l’ont connaît de nos jours. Que voulez-vous, la conception de logiciels semble un métier plus rentable que la conception de hardware, bien que la barrière à l’entrée soit probablement plus importante pour le hardware – il faut quand même construire des usines – que pour le software – qui n’a pas rêvé un jour de développer sur un coin de table le logiciel qui le rendra milliardaire ?…
Pourtant, le mouvement de balancier semble s’inverser, et le dossier dont il est question plus haut évoque un fait inédit : les géants du logiciel s’intéressent de plus en plus … à la conception de circuits imprimés et de microprocesseurs. Apple, Google ou Microsoft sont tellement dépendants, de nos jours, des infrastructures utilisées pour concevoir leur produit, qu’il devient de plus en plus risqué de laisser ce business leur échapper. NVidia est devenu, en quelques années, l’une des entreprises de high-tech les plus imposantes, et dans cet univers, quand on est très gros, on peut imposer sa loi.
En réalité, Google ou Apple n’ont jamais été très éloignées des fabricants de hardware. Les produits Apple, de nos jours, utilisent des puces conçues par … Apple (mais fabriquées par TSMC). Google, de son côté, à toujours cherché à optimiser les infrastructures hardware utilisées par ses propres outils, et depuis 2015 ou 2016, conçoit également ses propres puces pour ses téléphones mobiles Pixel. L’engouement que relate The Economist est essentiellement dû, comme évoqué plus haut, aux besoin croissants de l’IA, qui utilise des processeurs dont la spécialisation et l’énorme consommation énergétique impose un regard neuf.
Bref, les géants du logiciel reviennent aux sources, et le silicium, élément chimique le plus abondant de la croûte terrestre après l’oxygène, retrouve ses lettres de noblesse. Un retour au bercail, qui devrait conforter un peu plus l’hégémonie des entreprises américaines sur la high-tech mondiale…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec