La tache

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Comment ne pas penser à La Tache, ce passionnant livre de Philip Roth, remarquablement adapté au cinéma dans un film appelé La couleur du mensonge, dont le titre est ô combien d’actualité? La mésaventure du grand rabbin de France, enfermé dans son déni initiale, puis contraint à de pénibles révélations ces derniers jours a une dimension tragique qui relève du type de récit dans lequel Philip Roth excelle.


Quel gâchis! Comment un mandat qui s’annonçait si formidable a-t-il pu finir de manière aussi stupide? Que reproche-t-on en fait à Gilles Bernheim? Trois choses.

  • Une dimension plagiaire dans certains de ses écrits. C’est au travers d’articles publiés sur le net, notamment sur ce blog, que s’est développée la campagne de révélations sur les écarts du grand rabbin de France. Des écarts inadmissibles à ce niveau d’autorité morale. Et incompréhensible, de la part d’un individu qui a porté, durant sa vie, la rigueur morale comme une des valeurs morales les plus importantes. L’ayant rencontré à quelques occasions durant des conférences qu’il a données, je suis réellement abasourdi par ces reproductions de pans entiers de textes d’autres auteurs. Contrairement à de pseudos auteurs politiques ou faisant partie du système médiatique, un homme de son savoir, de sa culture, de son éloquence, n’avait absolument pas besoin de passer par là.
  • Un mensonge reconnu sur son diplôme. Il l’a reconnu mardi soir dans une interview pour Radio Shalom (cf. ci-après). C’est étonnant, mais tout aussi compréhensible. Les titres d’une personnalité font partie de l’attirail qu’il traîne avec lui durant toute sa carrière. Même sans agrégation, il suffisait que la cohorte de ses fans soit convaincue qu’il l’ait passée avec succès pour le faire savoir et entretenir « la légende ». J’en ai fait partie, tout simplement parce qu’on ne peut pas remettre tout en doute dans nos sociétés modernes. Cf. La démocratie des crédules, livre déjà recensé sur ces pages.
  • Un mensonge sur les premières révélations, un peu comme l’ancien ministre du budget. Confronté à des révélations abasourdissantes, Gilles Bernheim est d’abord passé par le déni. Une attitude quebeaucoup lui reprochent, mais une attitude ô combien humaine. Cela ne l’excuse pas, cela permet juste de comprendre.

J’étais un partisan convaincu de Gilles Bernheim lors de l’élection qui le mena au poste de grand rabbin de France. J’ai apprécié ses prises de parole, notamment le mardi soir à 19h30 sur Radio Shalom. C’étaient de purs moments de plaisir, dans un milieu juif francophone un peu trop terne et monochrome parfois. A chacune de ses interventions, il a apporté une ouverture d’esprit, une capacité de dialogue, que je n’ai pas toujours trouvé auprès d’autres autorités communautaires.

Et puis il faut le reconnaître, Gilles Bernheim n’avait (et n’a toujours) pas que des amis. Ses adversaires sont nombreux. La voie qu’il trace et la voix qu’il fait entendre déplaisent fort à certaines franges de la communauté, ce n’est un secret pour personne. La cassure entre ses adversaires et ses partisans a créé un malaise certain, dont certaines discussions vues sur Facebook ces jours-ci est l’expression la plus forte.

Le départ plus ou moins forcé de Gilles Bernheim, aujourd’hui, était nécessaire. Je ne vois pas comment il aurait pu tenir plus longtemps sous le feu des révélations successives. Je le regrette néanmoins, et bien plus que cet article ne l’exprime, car je reste convaincu que ce sont des hommes de son talent qui éclairent la communauté juive et la guide dans son adaptation nécessaire au monde moderne(que les commentaires éventuels sur cette article ne tournent pas ma phrase en dérision – oui, Gilles Bernheim a un véritable talent). Les fautes qui lui sont reprochées ont l’air avérées, et il lui faudra du temps pour se reconstruire à l’échelle du pays, si toutefois il le désire encore, ce qui n’est pas certain.

Qui prendra la relève pour mener les évolutions nécessaires au sein de la société juive française? La compétition est ouverte…
 

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