Bye-bye Bibi

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Il aura donc fallu 4 élections législatives pour que la classe politique israélienne aille au -delà de ses divisions et finisse par accoucher d’un gouvernement capable de succéder à la longue décennie durant laquelle Binyamin Netanyahu a occupé le pouvoir. Si les changements de dirigeant s’accompagnent parfois d’une certaine tension un peu partout dans le monde des démocraties, avouons que celle induite par cette succession mouvementée a atteint des sommets. Chantage, menaces, rien n’aura été épargné les dernières semaines, avant qu’une coalition hétéroclite ne parvienne à présenter une majorité qu’on aurait eu bien du mal à prévoir il y a deux ans. Huit partis politiques la composent, couvrant un spectre tellement large qu’on a du mal à croire qu’un tel assemblage puisse tenir plus que quelques semaines.

Al hanissim et al hapourkan

Il faut dire que Netanyahu semblait, jusqu’à présent, quasiment irremplaçable. Semblait uniquement, bien sûr. Nul ne l’est, et surtout pas ce politicien, certes talentueux, mais aussi extrêmement sulfureux. Je garde à jamais de lui l’image de ses prises de parole en public, à l’été 1995, durant lesquelles il haranguait des foules qui traitaient Itshak Rabin et Shimon Peres de traitres. On a vu à quoi cela a pu mener en novembre de la même année…

Netanyahu a toujours été une formidable bête de scène, capable de « manipuler » les foules, au point que ses partisans lui vouent, jusqu’à aujourd’hui, une adoration qui confine au sacré. Il n’y a qu’à voir les messages de rancoeur qui circulent sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines, en particulier sur les comptes de coreligionnaires francophones. Cela frise parfois le ridicule, tant ces messages lui imputent de succès et de réussites, un peu comme à l’époque où les Nuls se moquaient tendrement de Jacques Chirac, tant ses partisans lui vouaient une adoration sans limite.

La carrière de Netanyahu va connaître un break, un épisode judiciaire que ses détracteurs attendent depuis longtemps. Est-elle finie ? Rien n’est moins sûr. Fils d’un célèbre historien israélien, et frère du nom moins célèbre chef du commando qui libéra les otages français à Entebbe, Bibi – un surnom adopté aussi bien par ses ennemis que ses aficionados – a déjà une longue carrière derrière lui. Je me souviens de sa première apparition sur les écrans, un soir d’alerte aux Scud durant la guerre du Golfe de début 1991. Par chance médiatique, il se trouvait dans les studios de CNN et avait pu expliquer, à un vaste public de téléspectateurs un peu partout dans le monde, le quotidien difficile des citoyens israéliens durant cette période (lire à ce sujet le livre de l’ancien ambassadeur de France en Israel).

Depuis, il a mené une carrière à la fois rectiligne et sinueuse. Rectiligne sur le plan des relations extérieures : un farouche défenseur de l’occupation des territoires, et d’une relation de force avec les adversaires de l’état d’Israel, notamment de l’Iran tenu pour une sorte de « Grand Satan » dans une approche qui ne manque pas de réciprocité. Mais aussi sinueuse sur le plan intérieure : Bibi a réussi à se lier et se fâcher avec à peu près tout ce que la classe politique israélienne compte sur son aile droite. C’est le roi des promesses et des accords avec ses amis d’un jour, pour combler le déficit récurrent de sièges du Likoud pour constituer une majorité de 61 sièges, jusqu’à ce que ceux-ci se retournent contre lui.

Que restera-t-il des années Bibi ? Quel bilan en tirer ? Si l’état d’Israel a connu une paix relative, sans grand conflit avec ses voisins, il n’a pas avancé d’un pouce sur le sujet de ses rapports avec les Palestiniens, sans grande surprise. Il faut dire qu’en face, entre un Hamas qui fait office de « Petit Satan », et une Autorité Palestinienne qui ressemble de plus en plus à un eunuque, on a du mal à voir se dessiner un partenaire de poids.

Les seuls résultats dont il peut se targuer sont moins le fruit de ses propres décisions, que les bénéfices d’actions menées par des tiers. Le transfert de l’ambassade américaine à Jerusalem est le fait du prince Trump. La paix signée avec des pays qui n’étaient pas, jusqu’à présent en guerre avec Israel, est là aussi semble-t-il le fait de l’administration Trump, à la recherche de résultats au proche-orient. Et les succès vis a vis du nucléaire iranien – quelques spectaculaires opérations de sabotage – sont probablement plus le fait des services concernés que de la direction de l’état.

Bref, il était temps que cette alternance ait enfin lieu. Le pari est difficile, les acteurs qui jouent les premiers rôles sont loin d’être des enfants de coeur, et leurs divergences de point de vue semblent aussi nombreuses qu’il y a de ministres dans ce gouvernement.

Mais y a-t-il un autre choix possible ?

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