Woke fiction

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Nous vivons une période étonnante. Alors qu’on aurait pu croire que les combats menés au siècle dernier pour l’émancipation, l’égalité des droits et des chances, la justice sociale ou la fin du colonialisme avaient porté leurs fruits, une étrange philosophie a émergé il y a quelques années, prétendant que Non, Non, et mille fois Non, ces combats n’étaient pas encore achevés, et qu’il fallait ouvrir les yeux sur la persistance de multiples formes de racisme, de misogynie ou d’homophobie. Les woke, car c’est comme cela qu’ils se définissent, prétendent réveiller les consciences des minorités endormies…

On pourrait croire qu’il s’agit d’hurluberlus ou de doux rêveurs, mais non, ces gens là sont bien plus influents et puissants qu’on ne le croit. On les voit prendre la parole régulièrement, enflammer les réseau sociaux, provoquer leurs pairs à l’Assemblée nationale, bref, occuper le champ médiatique au-delà de ce que leurs modes de pensée pourraient justifier. La mise en oeuvre de leur projet pernicieux prend différentes formes, de la politique au sport, et c’est à l’analyse du travail de sape mené par l’idéologie woke dans les milieux culturels que nous invite Samuel Fitoussi. Ce jeune et brillant essayiste vient en effet de publier Woke fiction, un livre majeur, probablement le premier à rendre compte de cette idéologie. En quelques 300 pages et une dizaine de chapitres habilement habillés en « commandements », il fournit un panorama extrêmement précis des principes de base du wokisme.

Premier atout de ce livre, et non le moindre, il fournit une définition précise de l’idéologie woke, et de la terminologie qui l’accompagne au quotidien. Je dois avouer que jusqu’à présent, j’avais un mal fou à m’y retrouver entre l’intersectionnalité, l’appropriation culturelle, la cancel culture, le transracialisme, le déconstructivisme et plein d’autres expressions devenues des standards des modes d’expression woke. Comme toutes les idéologies, le wokisme nous noie sous un flot de néologismes et d’expressions peu intelligibles, derrière lesquels les idées les plus tordues peuvent tranquillement s’épanouir…

Mais ce n’est là qu’un aspect assez mineur du livre. L’essentiel réside dans son analyse extrêmement structurée des incursions du wokisme dans l’univers de la création culturelle. Pour cela, Samuel Fitoussi se livre à une analyse de dizaines de films et séries, diffusés sur nos grands écrans ou sur les principales plateformes, mettant en évidence l’impact de cette idéologie non seulement sur les oeuvres produites, mais aussi sur celles qui ne pourront plus l’être.

Car, et c’est là la thèse principale de ce livre, le plus grand danger du wokisme, c’est qu’en mettant au pas la création artistique, il contribue à installer, insidieusement, une nouvelle forme de totalitarisme. Un totalitarisme dont on ne peut, paradoxalement, que très difficilement se défaire, tant les différentes formes du wokisme se nourrissent de la contestation de son influence. C’est même la base des propos de ses principaux apôtres : la lutte contre le wokisme n’est que la confirmation des attitudes et des comportements qu’ils dénoncent.

Alors si vous voulez comprendre pourquoi désormais nous n’aurons plus droits qu’à des héros positifs, pourquoi les minorités semblent toujours discriminées dans les films qu’on nous propose, pourquoi les individus ne sont plus présentés pour ce qu’ils sont mais pour les groupes qu’ils représentent, pourquoi on ne peut plus voir un acteur hétérosexuel jouer le rôle d’un homosexuel (comme Daniel Day-Lewis dans My Beautiful Laundrette) et plein d’autres dérives culturelles, c’est bien Woke fiction est bien le livre qu’il faut lire impérativement.

Et si jamais vous aviez des doutes sur l’étendue des dégâts, jetez donc un oeil sur les critères de diversité introduits par l’Académie des Oscars, et que j’ai découvert dans ce livre.

Allez lire Woke fiction de suite, ça en vaut la peine…

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