Vice
Film biographique réalisé par Adam McKay, à qui l’on doit les excellents Very Bad Cops et The Big short, déjà recensés sur ce blog, Vice est un film centré autour de la personnalité de Dick Cheney. e me dites pas que vous avez oublié qui était Dick Cheney… Il a certes plus ou moins disparu des écrans radars de la politique américaine, mais il a quand même tenu un rôle essentiel au début de ce siècle, en jouant le rôle d’un hyper vice-président aux côtés de Georges W. Bush. C’est ce rôle controversé qu’entend critiquer ce film.
On y rencontre donc Cheney, jeune assistant à la MaisonBlanche, qui va accompagner l’ascension de Donald Rumsfeld au début des années 70. Échappant au Watergate du fait de la disgrâce momentanée de Rumsfeld, muté à l’OTAN du fait de sa rivalité avec Kissinger, le couple Cheney-Rumsfeld retrouve un rôle de premier plan sous les années Reagan, puis sous Georges Herbert Bush. Puis Cheney passe les années Clinton à la tête du groupe Halliburton, conglomérat texan spécialisé dans l’ingénierie civile dans le domaine des énergies fossiles.
Arrive alors l’élection de Georges Bush junior. Cheney aurait pu s’en tenir là : il déjà a tenu plusieurs rôles décisifs, chef de cabinet, secrétaire d’état à la défense durant la guerre du Golfe. Mais la faiblesse de Bush junior représente, selon le film, une opportunité que Dick Cheney va saisir. Partisan d’une certaine immunité de la fonction présidentielle, étendue aux fonctions de la vice-présidence, pourtant habituellement honorifiques, il va accepter l’offre du candidat républicain, élu de justesse en 2000 face à Al Gore. C’est le premier point de bascule du film.
Le second, ce sont les attaques du 11 septembre 2001. Cheney, selon le film, y voit la possibilité de finir le boulot entamé pendant les années 1990-93, se débarrasser enfin de Saddam Hussein, et installer durablement le contrôle américain des champs de pétrole irakiens. L’attaque contre l’Afghanistan en 2003, puis l’invasion de l’Irak qui a suivi, forment donc l’argument central de ce film à charge contre Dick Cheney.
Formidable conteur, Adam McKay réussit à faire passer ses arguments avec vista. Les multiples rebondissements du scenario, le mode narratif déjanté dont il fait preuve, un peu comme dans The Big Short, font mouche. Mais on ressort du film avec l’impression sensible qu’on est passé à côté d’une forme de procès raté. Procès, parce qu’à l’exception de deux ou trois séquences, on a rarement l’occasion de voir Cheney expliquer ses motivations idéologiques réelles. Le pouvoir pour le pouvoir n’explique pas l’ascension d’un tel bonhomme. Il y va également d’un ressort plus spécifiquement idéologique : à nul moment on entend parler de néo-conservateur, de la philosophie politique qui animait les penseurs politiques de cette époque.
Procès raté, disais-je, parce que le film met également de côté la formation politique de Cheney. On ne passe pas plusieurs années aux côtés de Nixon, Reagan ou Bush senior sans en sortir avec un logiciel mental fortement établi. Rien n’est dit de la guerre froide, rien sur la guerre des étoiles, rien non plus sur l’invasion du Koweit et le rôle que Cheney tenait déjà à cette époque. À croire que le seul propos du film, c’est de démontrer la voracité de Cheney durant les années 2001-2006, et sa propension à favoriser les intérêts d’Halliburton.
Un peu court, jeune homme.
Il y aurait pourtant matière à dire un peu plus le long et passionnant parcours de Dick Cheney. Peut-être une série Netflix ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec