Sociologie des prénoms

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Tout est parti d’un tweet, repéré le mercredi 8 juillet 2015 au matin. Un tweet qui parlait de résultats au bac et de prénoms. J’adore ce genre de tweets et de graphiques apparemment anodins, mais qui sont porteurs de bien plus de sens qu’on le croit.

Comment, le prénom pourrait-il être un marqueur de la réussite dans les études? De la réussite sociale, probablement, mais que cela se voit jusque dans les résultats au baccalauréat, cela avait de quoi m’intriguer. je suis immédiatement aller voir d’où provenait cette analyse, vraiment bien synthétisée dans le graphique suivant, et c’est ainsi que j’ai découvert le site de Baptiste Coulmont, et son livre, Sociologie des prénoms, que j’ai immédiatement acheté.
Baptiste Coulomnt - prenoms et bac 2015
Ce livre est construit en quatre parties. Dans la première, l’auteur rappelle comment les conventions de dénomination ont évolué au cours des siècles, et comment l’usage du prénom s’est imposé, associé au nom de famille, ce qui était loin d’être le cas dans l’antiquité, et même au Moyen-Age. C’est l’état, dans son besoin de recensement des populations à toutes fins utiles, qui en impose peu à peu l’usage, quel que soit le pays.

La seconde partie décrit le prénom sous un angle totalement différent: le prénom, comme nous le savons tous, est un phénomène de mode. Les Colette, Georgette ou Ginette du siècle dernier nous paraissent désuets, alors que les Emma, Noa ou Clara nous paraissent branchés et dans l’air du temps. Qu’en sera-t-il dans un siècle? Impossible de le prévoir. Baptiste Coulmont décrit admirablement le mécanisme qui fait qu’un prénom devient à la mode, comment cela part des classes supérieures, à la recherche de moyen de se distinguer, pour toucher les classes inférieures, qui se mettent à adopter le prénom à la mode en dernier, une fois qu’il s’est imposé. La courbe d’évolution statistique suit bien une forme de cloche, dont la hauteur et la largeur se réduisent au fur et à mesure qu’on avance dans le 20e siècle: il y a de plus en plus de prénoms en usage, et leur « durée de vie » a tendance à s’écourter.

Sur cet usage du prénom comme marqueur de mode, je me souviens que mon père utilise une technique amusante lorsqu’il a oublié le prénom d’une personne, par exemple d’un élève ou d’une personnalité politique: il commence par calculer approximativement son âge, puis recherche, dans sa classe d’âge, quels étaient les prénoms à la mode. C’est souvent très efficace.

La troisième partie du livre est consacrée aux usages sociologiques. Comment le prénom peut être, ou ne pas être, un indicateur de sexe. L’évolution du genre d’un prénom dans le temps est une chose étonnante, comme par exemple celle de Yael: prénom féminin des communautés juives parisiennes dans les années 60 à 70 (probablement en référence à la fille du général Dayan, Yael Dayan), il devient peu à peu un prénom masculin porté par des individus d’origine bretonne. D’autres usages existent, pour mesurer l’appartenance religieuse, le degré d’intégration de de discrimination, ou encore la structure de parenté.

Enfin, la quatrième partie est consacrée aux usages sociaux du prénom, et évolue vers les utilisations de prénoms pour nommer ce qui ne relève pas de l’espèce humaine: prénoms d’habitation, prénoms d’animaux, entre autres. Aviez-vous remarqué, par exemple, qu’on évite de nommer des chiens avec des prénoms humains en France, mais que cela est tout à fait courant en Angleterre? En revanche, on n’a aucune réticence à faire porter un prénom humain à un oiseau, perruche ou perroquet. Pourquoi? Le livre ne le dit pas. Et c’est peut-être le seul reproche que je formulerai à cet ouvrage, qui, comme un sociologue sait si bien le faire, observe tant et tant de choses intéressantes, mais ne fournit pas de réponses toujours satisfaisantes.

L’observation des prénoms mérite vraiment qu’on s’y intéresse.

Sociologie des prénoms, Baptiste Coulmont, 125 pages, La découverte

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