Seriez-vous prêt à voler à bord d’un 737 max ?

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?

Enfin, les vacances commencent. Réveillé de bonne heure, vous vous êtes engouffrés avec toute la smala dans un taxi G7 qui vous a vaillamment conduits jusqu’au Terminal 3 de l’aéroport Charles de Gaulle. Par la vitre du véhicule, vous apercevez l’aube poindre par ce chaud matin de juillet. Au diable la canicule, dans deux heures tout au plus, vous quitterez l’aéroport pour vous rendre dans l’hôtel 3 étoiles où vous et les vôtres passerez les quinze prochains jours à vous dorer la pilule.

Après avoir procédé à l’enregistrement de ces lourdes valises, payé le supplément bagage en grognant, après avoir procédé aux formalités de douane, quitté chaussures et ceintures pour ne pas émettre de « bip » au détecteur de métal, vous vous dirigez vers la porte d’embarquement, non sans avoir acheté trois paquets de chewing-gum (on ne sait jamais, ça fait toujours mal aux oreilles, ces trajets courts), une paire d’écouteurs neufs pour junior, un coussin Woollip et deux magazines pour vous et votre conjoint.

Vous patientez courageusement encore quinze bonne minutes dans la queue avant d’accéder enfin à la cabine. L’algorithme de Vacances Airways vous a attribué la place F37, au fond de de l’avion mais côté fenêtre. Vous demandez tout souriant à votre voisin de vous laisser accéder à votre place, vous installez non sans émettre un grognement supplémentaire du fait de l’espace étroit réservé à vos longues jambes, vérifiez vos emails, envoyez deux derniers SMS, bouclez votre ceinture, et vous préparez à finir cette nuit interrompue de manière finalement brutale, par la sonnerie de l’iPhone.

Tout devant, les portes de l’avion viennent de se refermer. Après avoir compté et recompté les passagers, le personnel navigant procède aux habituelles annonces qui marquent le début de chaque vol, au moment de présenter les consignes de sécurité.

Mesdames et messieurs, bienvenue sur le vol VA 2402 de la compagnie Vacances Airways. Le commandant et son équipage sont heureux de vous accueillir à ord de ce Boeing 737 max …

Dehors, le soleil vient de poindre son nez. Vous l’auriez bien pris en photo, mais un détail vous gêne. Un truc imperceptible de prime abord, mais qui vous tracasse un peu.

Elle a bien dit 737 max ?, demandez-vous à votre voisin, hilare devant un sketch d’un Youtubeur qu’il visionne sur son smartphone?

737 oui. Je ne sais pas si c’est max ou pas max, pourquoi vous ne le lui demandez pas? vous répond-il.

C’est une bonne idée, ça, lui demander. Devant vous, l’hôtesse passe et repasse la boucle d’une ceinture de sécurité en souriant. Tout le monde ou presque a déjà assisté à cette scène, en se demandant un peu pourquoi ce type de démonstration est encore nécessaire en 2020.

Pardon mademoiselle, je peux vous poser une question?

Dehors, le décor défile. L’avion commence à rouler. Les deux moteurs CFM LEAP-1B ronronnent doucement. L’hôtesse vous sourit, et vous demande de patienter, elle n’en a pas encore fini avec les consignes de sécurité. Avec ses bras et le bout de ceinture orange, elle mime la chute d’un objet virtuel, depuis le plafond de la cabine.

En cas de dépressurisation de la cabine, les masques à oxygène tomberont automatiquement à votre portée. Tirez le masque vers vous pour …

J’en ai rien à foutre des masques à oxygène. Ce que je veux savoir, moi, c’est si c’est un max ou non.

A l’intérieure de vous-même, cela commence à bouillonner. Vous vous demandez comment en avoir le coeur net. Vous yeux s’affolent et scrutent autour de vous.

Tu as entendu, toi, ce qu’elle a dit? demandez-vous de manière abrupte à votre conjoint?

Non, pourquoi, qu’est ce qui ne va pas?

Rien, répondez-vous, sans conviction mais avec une bonne dose de stress dans la voix. L’angoisse vous gagne, elle est communicative. Autour de vous, vos voisins vous adressent des regards à la fois inquiets et réprobateurs. L’hôtesse n’a pas encore fini ses démonstration, elle en est au moment où elle enfile le gilet de sauvetage.

Vos yeux se fixent sur le magazine de Vacances Airways, devant vous. Au-dessus de vos genoux, un bout de plastique dépasse. Vous vous en saisissez, c’est le condensé des consignes de vol. Il y en a toujours un, à côté du sac à vomi, comment ne pas y avoir pensé plus tôt? Avec un peu de chance, c’est précisé dessus.

Voilà.

737….

737 max!!!

Putain ! Mais on n’en rien à foutre de votre gilet de sauvetage, vous entendez-vous dire. Si ça se trouve, on va même pas avoir l’occasion de la voir la mer, sur ce 737 max! Ça peut tout juste décoller, et boum, il y a le truc qui se met en place et qui empêche le pilote de prendre les commandes de l’appareil ! Alors répondez-moi oui ou merde, c’est un 737 max modifié oui ou merde?

Autour de vous, la réprobation a laissé place à l’inquiétude. Le 737 max, ils en ont tous entendu parlé. Les deux vols, l’année passée. Lion Air fin 2018, Ethiopian Airlines début 2019. Plus de 300 victimes au total. Et la même cause: l’activation du système MCAS, censé assister l’équipage durant certaines phases de vol, mais qui s’est avéré fatal, en empêchant dans les deux cas le pilote de garder la maîtrise durant le décollage.

L’avion a fini son roulage, il s’approche de la piste de décollage. La rumeur gronde parmi les passagers. Certains ont eu le temps de désactiver le mode avion, chercher « 737 max » sur Google, se faire peur, et envoyer un SMS inquiet à leurs proches. Le temps de lire les pages des Echos qui annoncent les pertes record de Boeing l’année passée, et l’article de Wikipedia qui détaille les conditions des deux accidents, et ça y est, la panique s’est installée, certains passagers débouclent leur ceinture et se lèvent en rouspétant, les hôtesses tentent de les faire se rasseoir, certains filment la scène avec leur smartphone…

Dehors, les deux réacteurs rugissent de concert.

Bienvenue à bord.

Note: Cet article est bien entendu complètement fictif. Toute ressemblance avec des faits existants o ayant existé serait totalement fortuite.

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?