La conquête : comment les Français ont pris possession de l’Algérie

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?

C’est en lisant le très intéressant livre de Jacques Attali sur l’année 1943 que j’ai découvert comment la France s’est installée en Algérie : une sombre histoire de blé algérien acheté par l’Etat français auprès de commerçants juifs qui jouaient le rôle d’intermédiaire avec le Dey, et qui dégénéra en coup de force quelques années plus tard. Mais si Attali le raconte avec talent, il manque à son récit la précision et la profondeur d’analyse que seul un historien professionnel peut apporter.

Et c’est l’une des qualités de ce livre passionnant écrit par Colette Zytnicki, La conquête : comment les Français ont pris possession de l’Algérie, justement d’apporter le cadre et les précisions historiques : pourquoi la France achetait=elle son blé là-bas, pourquoi ces intermédiaires, et pourquoi surtout un conflit commercial se transforme-t-il en opération militaire. De cet épisode particulièrement étrange vont résulter plus de 120 années de présence française en Algérie. Le livre dont il est question ici se focalise sur les deux premières décennies, qui forgeront le cadre de ce qui ne s’appelait pas encore une colonie.

Le livre commence par un court exposé de ce qu’était la domination ottomane sur ce large territoire entre la mer et le désert, dont on ne connaissait pas grand chose à cette époque, en France. Comment il était découpé en beylicats, redevables devant un dey. Comment s’effectuait l’attribution des terres. Et comment les turcs l’administraient, avec ce mélange de rudesse et de délégation aux notables locaux, qui caractérisait leur présence sur le pourtour méditerranéen.

Il faut dire qu’il n’existait pas encore d’aspiration politique ou géographique. Les choses vont changer à l’occasion de ce conflit commercial, et de l’altercation entre le Dey et le consul de France. La France envoie, à l’été 1830, une flottille qui entend obtenir réparation, et qui va rapidement s’emparer d’Alger. La conquête peut commencer. Menée par des officiers parmi lesquels on trouve d’anciens cadres des épopées napoléoniennes revenus en grâce sous la restauration, elle ne sera cependant pas de tout repos…

Car si le Dey prend rapidement la poudre d’escampette, tout ne se passe pas aussi bien dans les différents beylicats, où, au gré de coalitions entre tribus locales avec les troupes françaises ou les chefs qui entendent mener la révolte, l’équilibre joue en faveur des uns ou des autres. Plusieurs figures s’illustrent, comme le cheikh Abdel Kader ou le bey de Constantine. Il faudra près de 20 années et une succession de gouverneurs aux ambitions et aux stratégies souvent différentes, pour venir à bout de cette opposition. Au prix de dizaines de milliers de morts de part et d’autre. Et encore, il faudra encore quelques années pour que cette domination s’étende au-delà de la large bordure côtière initiale.

Ouvrage passionnant, le livre de Colette Zytnicki est également surprenant. On découvre au fil des pages l’émergence d’un tourisme à destination de cet orient nord-africain, ou le rôle des saint-simoniens dans la présence française en Algérie, vue comme une mission civilisatrice au bénéfice des populations locales.

La conquête de l’Algérie a-t-elle accéléré l’émergence d’une volonté d’auto-détermination de la part des algériens ? En refermant ce livre, il ne me semble pas que cela soit le cas. Les révoltes menées contre les troupes françaises ne le sont pas au nom de l’émergence d’une nouvelle nation, mais plutôt contre le mode opératoire cette conquête, faite d’expropriation, de razzias et de démolition du délicat équilibre que les turcs avaient su maintenir> En quelque sorte, ce n’est ni un mouvement national, ni une guerre de religion, mais une réaction à des changements organisationnels qui remettaient en cause le fonctionnement de la société. Il n’en reste pas moins que le déferlement de violence produit durant cette double décennie a dû laisser des traces auxquelles les mouvement nationalistes sauront se référer, un siècle plus tard…

Cet article vous a plu ? Pourquoi ne pas le partager ?