Plus de 140 caractères sur Twitter? Quelle mauvaise idée!

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L’annonce récente faite par Twitter concernant la taille maximale des tweets, qui devrait passer de 140 à 10000 caractères, me laisse perplexe. Pourquoi maintenant? Pourquoi 10000 caractères? Et dans quel but?

Un peu d’histoire, pour commencer. D’où provient la limite à 140 caractères? Tout simplement du fait qu’à l’origine, les tweets pouvaient être diffusés via des SMS, dont la longueur est de 156 caractères (l’origine de la longueur des SMS provient de la norme GSM, mais je n’ai pas trouvé l’explication exacte de cette taille). Comme l’émetteur de chaque tweet est identifié sur 16 caractères maximum, cela laisse 140 caractères pour le contenu. On notera au passage que Twitter aurait pu autoriser les possesseurs d’identifiants de moins de 15 caractères à diffuser des tweets plus longs…

Quand on arrive sur Twitter, il faut le reconnaître, cette limitation à 140 caractères paraît ridicule. Elle produit une souffrance inutile de la part de l’émetteur d’un tweet, qui doit parfois s’y reprendre plusieurs fois pour faire réduire la taille de son message aux limites fixées. C’est un exercice de style, auquel on se plie néanmoins assez rapidement avec l’habitude.

Au demeurant, la taille limitée des tweets présente de nombreux avantages, le premier étant qu’on peut sur un seul écran visualiser plusieurs tweets, comme ci-après. Imaginez que quelques tweets de plusieurs milliers de caractères se soient glissés parmi ceux-ci, il serait bien difficile de lire quoique ce soit.

Twitter Tweetdeck

Certains objecteront que même si les tweets faisaient plusieurs milliers de caractères, il suffirait de n’en afficher que les premiers caractères, avec un bouton « lire la suite », pour conserver une même qualité d’affichage.

Bien entendu, cet argument ne vaut rien: en effet, avec des tweets de 140 caractères, tout ce qui est affiché à l’écran est intelligible, les phrases sont complètes. Si Twitter optait pour un affichage partiel, ne serait-ce que des 140 premiers caractères d’un tweet, cela changerait tout, car le début d’un tel tweet ne formerait probablement pas toujours une phrase entière. Imaginez un peu l’écran TweetDeck rempli de débuts de phrases inachevées…

A quoi rime ce passage de 140 à 10000 caractères? A un de ces errements dont sont parfois coupables les patrons des plus grosses cylindrées du web social. De LinkedIn à Facebook, chacun a son pêché mignon. Chez LinkedIn, c’est un pricing opaque sur les formules premium; chez Facebook, c’est la tendance à jouer avec les données privées (pour agacer le grand public) ou la portée des publications (pour agacer les entreprises); chez Google, c’est cette tendance à laisser dépérir Google+; chez Twitter, c’est la valse hésitation autour de son business model: Twitter perd de l’argent, beaucoup d’argent, et cherche à se refaire une santé en lorgnant du côté du contenu taille XXL.

Toutes les plateformes veulent stocker notre contenu: LinkedIn (avec Pulse), Facebook (avec son appli Notes), WordPress (avec ses blogs), Medium (avec sa plateforme). Il n’y a que Viadeo qui se tienne tranquille de ce côté là (mais qui a d’autres chats à fouetter). Alors, il n’est pas étonnant de voir Twitter faire la cour aux producteurs de contenus (vous, moi, eux), avec derrière la tête, probablement … une nouvelle idée de monétisation.

Imaginez donc: un tweet long de plusieurs milliers de caractères, ça ressemble diablement à un article de blog, ça s’affiche sur une sacrée hauteur, bref, ça laisse surement pas mal de place pour afficher un ou deux liens sponsorisés sur le côté. Les malheureux tweets, comptes et tendances sponsorisés ne suffisent pas à faire tourner la boutique? Relax, passons-donc au format XL, et voyons donc comment les utilisateurs réagiront…

Si tel était bien le cas, je crois que ce serait une grave erreur de stratégie. En allant jouer dans la cour des contenus au format blog, Twitter perdrait toute sa spécificité, tout son particularisme. Au lieu d’être unique, il deviendrait l’un des éventuels canaux de publication de formats longs. Un parmi d’autres, mais pas forcément le plus efficace ni le plus intéressant pour les annonceurs. Le déclin ne ferait, probablement, que s’accélérer.

Si Twitter veut vraiment jouer avec la taille de ses tweets, le mieux serait, probablement, de passer à 256 caractères.  Ces 116 signes supplémentaire permettraient sans doute de faciliter l’usage des tweets, sans modifier l’ADN de Twitter. Et pour les millions de geeks, ce serait un signe de reconnaissance inestimable…

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