Les limites de la mode costume-baskets

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Un président doit-il être à la mode ? C’est la question que certains se posent, depuis l’apparition du couple présidentiel aux obsèques de feue la reine Elisabeth II, dans une tenue considérée comme un peu trop décontractée : costume sombre, lunettes de soleil, baskets noires.

Shocking ? Not shocking ?

Cela dépend des points de vue. Les présidents modernes, ceux du 21e siècle, comme Nicolas Sarkozy ou Barack Obama, ont déjà fait des apparitions dans des tenues bien plus décontractées, en short ou t-shirt dégoulinant. Sans parler de Vladimir Poutine torse nu… On s’est d’ailleurs déjà posé la question, sur ces pages, de savoir si un président de la république avait le droit ou non de faire du ski.

Et ce n’est pas tout. Un examen plus détaillé de l’affaire montre que le couple présidentiel ne s’est exposé affublé d’un ensemble costume-baskets que pour effectuer un bain de « foule présidentiel » : Emmanuel Macron s’est ensuite changé pour assister à la cérémonie dans un costume plus conventionnel, arborant cravate et chaussures en cuir.

Alors où est le problème ?

Le problème, c’est cette foutue mode du costume-baskets, ce mélange des genres totalement indélicat. Au risque de paraître vieux jeu, je m’oppose formellement à l’association de ces deux attributs vestimentaires. Il en va de la survie de l’humanité. Et de la dignité humaine.

De mon point de vue, il faut réserver les baskets à la pratique du sport, et le costume, qu’il comporte deux ou trois boutons, qu’il soit cintré ou non, aux occasions où la tenue réglementaire ne souffre pas l’exhibition de chaussures en toile ou caoutchouc.

Si j’étais député, je ferais même passer une loi en ce sens.

Avec une amende de 35 euros pour tout contrevenant. Passant à 150 euros en cas de récidive.

Au commencement…

On peut aussi se demander à quel moment l’humanité a basculé dans le ridicule, en associant deux types de vêtements qui n’auraient jamais dû se croiser. Pour ma part, je pense que cela s’est déroulé vers la fin des années 90. Il aura fallu, pour cela, la conjonction de deux événements importants, que je vais exposer ci-après.

Le premier événement, c’est l’apparition d’une gamme de baskets dites « de ville », conçues pour épouser la forme des baskets élaborées pour la pratique du sport, mais sans offrir le même niveau de performance. C’est vers cette époque, je m’en souviens assez, qu’apparurent des chaussures de sport paradoxalement conçues pour ceux qui n’en font pas. Abondamment décorées, elles furent produites par de grandes marques sportives (Adidas, Nike entre autres), rapidement suivies par des marques plus anecdotiques dans l’univers du sport (Hoogan, Paul & Shark, etc.), mais bien établies dans celui de la chaussure ou de la mode.

N’imaginez pas piquer un sprint avec ça…

Le second événement, au risque de vous surprendre, chers lecteurs, c’est l’arrivée des juifs sépharades en France. Leur pratique d’une certaine orthodoxie démonstrative et assumée n’est certes pas passée inaperçue. Or dans le cadre de cette orthodoxie, il existe un jour où, à mon grand désespoir, le port du costume est associé à celui de chaussures qui ne sont pas assorties.

Ce jour là, c’est Yom Kippour.

Le jour du pardon, vous en avez sûrement entendu parler ?

Et bien durant ce jour si spécial, ou plutôt les 25 heures que dure cet événement, les juifs pratiquants sont tenus de respecter cinq interdits spécifiques, en plus des interdits de shabbat : interdiction 1/ de boire et 2/ de manger (le fameux jeûne de Kippour), 3/ interdiction d’avoir des relations sexuelles (et oui…), 4/ interdiction de se laver (une journée, ça va, mais bonjour l’haleine…).

C’est le cinquième interdit qui pose problème : interdiction de porter des chaussures en cuir.

Cet interdit, d’origine rabbinique, remonte, probablement, à une époque où les chaussures de cuir étaient considérées comme plus confortables que les chaussures du quotidien. Ou plus élégantes. Peu importe. Mais voilà, ce jour là, on doit porter des chaussures de toile, même si de nos jours les chaussures en toile sont peut-être plus confortables que celles en cuir.

L’interdiction de prendre des photos à Kippour ne me permet pas de vous montrer l’accoutrement des juifs de Kippour. Ouvrez l’oeil mercredi 5 octobre…

Qu’ont fait nos amis sépharades ? Ils ont simplement interprété cet interdit à leur manière. Et au lieu de porter des chaussures en toile, se sont précipités … sur les baskets, conçues en plastique et ne comportant pas de cuir.

Je me souviens encore du regard un peu dédaigneux des personnes que nous croisions dans la rue, quand, au début des années 90, mon père et moi sortions de chez nous, le jour de Kippour, pour nous rendre à la synagogue. Arborant un costume parfaitement coupé, et des baskets traditionnelles (les baskets de ville n’existaient pas encore), nous avions l’air de parfaits ploucs.

Alors qu’en fait, nous étions des précurseurs.

Puis les baskets de ville sont arrivées. Le port de baskets noires ou grises, avec un costume, s’est peu à peu propagé à d’autres strates de la population, jusqu’à toucher le milieu des anciens banquiers d’affaires devenus président…

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