Le dernier des Camondo

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Certains musées ont leur propre histoire. C’est le cas du musée Nissim de Camondo, situé rue de Monceau, à l’emplacement où vécut … le dernier des Camondo. Car au-delà d’être le titre d’un livre, le dernier des Camondo est d’abord un personnage, qui connut durant sa vie la splendeur, la gloire et les fastes de la fin du 19ème siècle, avant de plonger dans le drame et la tristesse au début du 20ème. C’est ce que raconte avec talent et d’abondants détails l’écrivain Pierre Assouline.

Le juif errant est de retour

Camondo, c’est d’abord un patronyme, celui de l’ancêtre. Famille juive séfarade passée d’Espagne en Italie, elle quitte Venise à la fin du 18ème siècle pour s’établir à Constantinople. Là-bas, l’ancêtre, Abraham Camondo, va jeter les bases de ce qui aurait pu devenir une dynastie. Banquier, proche du pouvoir, il accumule une immense fortune. Pourtant, déjà le tragique pointe son nom. Il perd, à quelques moins d’intervalles, son épouse, sa petite-fille et son fils. Qu’importe, ce dernier lui a laissé deux petits-fils, Abraham et Nissim. Ce sont eux qui vont reprendre les rênes de la banque d’affaire. Mais confrontée, déjà, aux fortes tensions entres mouvements traditionalistes et mouvements plus éclairés, la famille Camondo quitte l’empire Ottoman pour s’établir en France.

Dans cette France du 19ème siècle, de nombreuses familles juives ont fait fortune dans la banque et les affaires. Les Rothschild, les Pereire, les Cahen d’Anvers. Ils vont formater peu à peu la physionomie du paysage bancaire qui va durer jusqu’à nous jours. Les Camondo, devenus « comtes de Camondo » par leur soutien financier au roi d’Italie à peine installé, comptent bien y faire leur place.

Banquiers et hommes d’affaires

Évoluant dans cette France où vient de poindre une 3ème république, les Camondo tentent d’adopter les codes de cette haute bourgeoisie juive qui souhaite flirter avec la vieille noblesse. Pierre Assouline relate avec talent les rouages de ce qui se joue alors, entre mariages d’intérêts et antisémitisme latent. Nous sommes à la veille de l’affaire Dreyfus, et la société française va bientôt se déchirer autour de l’affaire. On rencontre ainsi des personnages étonnants, comme Arthur Meyer, juif converti, propriétaire du Gaulois et anti-dreyfusard convaincu.

Mais avec les Camondo, la tragédie est toujours à la porte. La même année, les deux petits-fils du patriarche décèdent. Ils lèguent leurs affaires et leur immense fortune à leurs enfants, Isaac et Moise. Le premier ne s’intéresse que peu à la banque, il préfère se consacrer aux arts. Le second, en revanche, se donne à fond dans son travail. Il va y perdre son couple, premier coup porté à cette figure légendaire. La perte de son fils unique, Nissim, en combat aérien sera le second. Il y survivra, mais dans une retraite d’une infinie tristesse, entouré des meubles anciens d’une inestimable valeur dont il décide de s’entourer et qui deviendront le musée Nissim de Camondo. Le troisième coup fatal porté à la dynastie, c’est la déportation de sa fille, de son gendre et de ses petits-enfants. Il ne reste alors plus de Camondo. Sa fortune sera rapidement dilapidée par la femme qui l’avait quitté au début du siècle.

D’une tristesse infinie, ce livre rappelle, par certains moments, le jardin des Finzi Contini, en ce qu’il relate la disparition progressive d’une grande famille juive du début du 20ème siècle, qui a cru que son immense fortune la préserverait à jamais, avant de s’éteindre complètement.

Rien ne dure éternellement, le dernier des Camondo est là pour nous le rappeler.

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