Le 14 Juillet, les Polytechniciennes défileront en pantalon

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Si vous êtes, comme moi, un spécialiste de l’uniformologie de l’Ecole polytechnique – entre nous, il y a peu de chances, nous ne sommes qu’une poignée (et encore..) à mériter ce titre – ou que, plus simplement, vous êtes destinataire, directement ou indirectement, de la communication officielle de l’école, vous le savez : les Xettes (les polytechniciennes comme on dit dans les cercles autorisés) ont enfin un pantalon.

Non pas qu’elle se promenassent préalablement les fesses à l’air, rassurez vous. Mais simplement, jusqu’à la promotion 2019, elles étaient dotées – que dis-je, dotées, affublées… – d’une jupe dont j’ai eu l’occasion de dire tout le mal que je pensais d’elles (elles, les jupes, pas les Xettes). Le papier s’appelait l’Année de la Fin de la Jupe – le lecteur averti aura noté la référence à Isabelle Adjani, sublime Xette dans Tout feu tout flamme. Ce papier a été rédigé, mis en ligne et diffusé en… 2013 !

Adjani en Xette

Permettez moi à ce stade – et c’est en fait l’objet du présent billet – de faire trois observations :

  1. Il aura fallu 8 ans, plusieurs sondages parmi les élèves, des conf-calls, des réunions, des projets, pour prendre une décision de bon sens, décision dont je démontrais l’inéluctabilité dans le papier pré-cité. Ce temps long pour faire une réforme :
    • qui ne coûte rien – ou quasiment rien ;
    • qui est réversible – quoi de plus facile en effet, que de revenir en arrière, si l’on se rend compte qu’on a eu tort ?
    • qui ne fait pas réellement l’objet de contestation – même si, comme d’habitude, vous avez toujours des réactionnaires, qui pensent que c’était mieux avant. Comme le disait LE général « on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages… »

Je suis convaincu que ces 8 ans sont symptomatiques d’une réelle difficulté de la France – et, en particulier de son administration – à se réformer à la vitesse de l’évolution du monde.

Qu’il me soit ici permis une incise : il y a un billet que je veux écrire depuis des années. Je le ferai un jour.  Voici le pitch :

  • Le recrutement est un enjeu  important pour les armées ;
  • Etre beau est une des motivations pour s’engager ;
  • L’uniforme participe de ce beau. Le pompon rouge des matelots est un bel exemple. Le képi blanc des légionnaires également ;
  • Au temps où la tenue de sortie servait aussi à se battre, le beige/ kaki/ jaspée se justifiait pour celui de l’Armée de Terre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; nous pouvons donc sans crainte revenir au pantalon garance que nous avons mis tant de temps à remplacer en 1914 ;
  • Ainsi, ladite Armée de Terre aurait intérêt à troquer sa tenue dite « terre de France » – en fait un beige grisâtre – contre une tenue plus « sexy », par exemple en reprenant les fondamentaux et les couleurs de la tenue dite 31 ;
  • L’armée américaine l’a bien compris, qui a fait ce pas il y a une dizaine d’années en remplaçant son vert armée par une tenue bleue dont la symbolique ramène à la guerre de Sécession ;
  • Un des derniers CEMAT (Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre) auquel j’en avais parlé en ces termes m’avait répondu, de manière assez mystérieuse « Vous lisez dans mes pensées ! »
  • Et pourtant… rien ! Une question de budget ? « Ça coûte de changer les uniformes ». Donnez moi le coût annuel du recrutement – formation incluse – et je vous démontrerai que le changement d’uniformes a un payback de moins de 6 mois !
L’uniforme des polytechniciennes commence enfin à ressembler à quelque chose
  1. Non seulement il aura fallu 8 ans, mais, surtout, le boulot n’aura été fait qu’à moitié. En effet, la tunique, elle, n’a toujours pas été dotée de ce col officier qui fait tout le charme des uniformes dits de tradition. Je ne reviendrai pas sur la symbolique du col officier (spoiler : le col officier comprend le terme officier). Toujours est-il qu’il n’y a aucune raison de ne pas faire. Et permettez moi, une fois de plus, de réfuter d’avance les arguments des tenants de la réaction :
    • Le col ouvert et le jabot, c’est plus féminin : justement ;
    • Le col ouvert et le jabot, c’est moins militaire : idem ;
    • Le col ouvert et le jabot, c’est moins confortable. Depuis quand un uniforme doit-il être confortable ?
    • Les Xettes n’en veulent pas. Ca tombe bien, elles seront sorties de l’Ecole lorsque le changement aura été mis en œuvre ;
    • Les Xettes sont attachées à leur jabot : elles étaient attachées au tricorne également…
    • Etc.
  1. Enfin, et c’est là le plus désespérant : je démontre dans mon papier précité que l’uniforme des Xettes a été choisi par la femme de Michel Debré, qui n’était pas un modèle de féminisme, et qui n’aimait pas les militaires. Cela fait 50 ans. On aura donc mis 50 ans à ne pas revenir sur un choix
    • fait par une personne  n’ayant pas la compétence…
    • … ni la légitimité,
    • choix dont personne – à part votre serviteur et ses maquettes en allumettes – ne connaissait les motivations profondes

Pendant ce temps, à 2000 kilomètres de là, le président ukrainien est la risée du monde entier en ce qu’il fait défiler ses soldates, dans une démarche à la fois militariste et sexiste, en treillis et talons hauts. Ça n’a rien à voir, mais j’avais envie d’achever ce billet sur un truc drôle 🙂

Le cocktail treillis/talons de l’Ukraine qui a fait couler beaucoup d’encre

Bon 14 juillet ! Bon défilé ! Chic à la Rouje

Note : une de mes correspondantes – et de mes camarades – me fait remarquer que je suis un peu un vieux con, que Xette est péjoratif, et qu’on utiliserait Xe aujourd’hui. Je suis assez d’accord avec elles : autant, aucune des autres alternatives à Xette n’était satisfaisante, autant Xe a un certain charme. Voyons si ça prend. Si oui, je m’engager à me convertir à l’Xe. Problème, tout de même ! à l’oral, c’est moins sympa.

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