Bienvenue à Grokipedia !
L’univers des encyclopédies en ligne vient de s’enrichir d’un nouveau bébé. Issu de la galaxie Grok, l’IA générative développée par xAI sous l’impulsion d’Elon Musk, Grokipedia arrive à point nommé pour lutter les dérives dont est victime Wikipédia. Il était temps.
La fin de wikipedia ?
J’ai longtemps été un fan absolu de Wikipedia, de sa gratuité, de son approche de l’internationalisation et de son mode de contribution collaboratif. Mais c’est surtout son étendue qui est admirable, touchant presque tous les sujets qui ont concerné l’humanité, de près ou de loin, allant des résultats des courses de vélo aux espaces vectoriels en passant par la chronologie des rois de Sumer.. Et puis, quelle encyclopédie est assez dingue pour permettre un article sur sa propre fin ?
Optimiste, voire naïf, j’ai longtemps pensé que cela pourrait durer éternellement. Mais si la majorité des contenus de Wikipedia sont clairement hors de tout soupçon de déviance, il faut bien reconnaître que depuis quelques années, certains sujets clivants (Israel, wokisme, etc.) sont devenus ingérables avec le mode d’édition actuel. Une minorité d’hurluberlus ont pris le pouvoir, et règnent de façon arbitraire sur tous les contenus relevant de ces sujets, supprimant les contribution d’autres auteurs en les accusant de point de vue partisan, prohibant certaines sources en les classant à l’extrême-droite ou en les qualifiant de sionistes, etc.
La richesse de point de vue est menacée, et ce qui faisait toute la saveur de Wikipedia a commencé à prendre un goût amer. Ce qui est encore plus désolant, c’est que cela s’opère en douce, sans que le grand public ne prenne conscience de cette dérive lente, qui non seulement oriente le discours, mais sert en outre à éduquer les LLM qui s’appuient massivement sur les contenus de la plateforme, librement accessibles dans toutes les langues.
Une question de vérité ?
Le problème sous-jacent à cette lente dérive de certains types de contenus, c’est la recherche de la vérité. à l’échelle de l’humanité, ce n’est certes pas un sujet récent. Depuis que l’espèce humaine existe sur Terre, certains individus ont cherché à imposer leur vérité, considérant qu’elle devait être universelle. Qu’ils ‘agisse de religion, de domination territoriale ou de méthode de calcul de la distance entre deux points, les peuples se sont formés et déformés à base de vérités énoncées et de croyances adoptées, c’est un peu d’ailleurs la base du livre Sapiens (qui en a fait sa propre vérité, au passage).
Mais qu’est ce que la vérité, en réalité ? Existe-t-elle ? Ce que je tiens pour vrai aujourd’hui l’était-il il y a un an, une décennie ou un siècle ? Et le sera-t-il encore demain. La vérité dépend de plusieurs facteurs, de l’époque bien sûr, des connaissances, mais aussi des émetteurs, des sources d’information. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tout contenu, sur Wikipedia, doit-être sourcé, avec cette notion de source primaire ou secondaire qui elle-même dépend de son propre système de vérité…
Elon Musk, et d’autres avant lui, se sont posé ce problème, conduisant à des solutions variées, lancées pour concurrencer Wikipedia. Il y eut Knol, lancé par Google, et rapidement abandonné. Il y eut aussi Citizendium, lancé par Larry Sanger, l’un des deux fondateurs de Wikipedia avec Jimmy Wales, et qui fonctionne toujours, mais sans avoir connu le même succès.
Et voici Grokipedia
Et bien sûr, il y a désormais Grokipedia. Grokipedia est un projet encyclopédique alternatif, mais dont le mode de production diffère largement de Wikipedia, puisqu’il est censé s’appuyer sur une IA, Grok, pour construire ses articles, supprimant l’impact humain dans la rédaction des contenus, et ne laissant finalement de place à l’humain que dans les contenus des sources utilisées pour établir le contenu.
Cela sera-t-il suffisant ? Je n’en sais rien. Satisfaisant ? Je n’en sais pas plus. je viens de mettre les pieds sur Grokipedia ce matin, constatant que la version v0.1 lancée récemment comprend un peu moins de 900 000 articles uniquement en anglais (contre plus de 7 millions pour la version anglaise de Wikipedia). Il y a donc encore des progrès à faire.
Le contenu des pages, pour ce que j’ai pu voir, est assez correctement construit, avec une interface très sobre, et sans images – un problème de droits ? – laissant la place au récit chronologique des événements et en apportant des points de vue annexes, avec une réelle valeur ajoutée. Par exemple, la page sur la UEFA Champion’s League fournit non seulement la liste des vainqueurs, mais aussi les classements des buteurs, les performances sur la durée des équipes ou des pays, parle des droits de diffusion, etc. Seul hic, on ne trouve pas les résultats des dernières années, ce qui est un peu consternant.
Bien évidemment, je suis allé faire un tour sur le sujet qui me semble être le meilleur exemple de la dérive actuelle, ce qui concerne le conflit des deux dernières années à Gaza. La page s’appelle Palestinian genocide accusation. Parfaitement documentée, et explicitant l’ensemble des points de vue, elle donne une réelle perspective encyclopédique sur ce sujet, rappelant qu’il s’agit d’une accusation (ou d’allégations) là où certains contributeurs de Wikipedia ont choisi délibérément de renommer la page Génocide à Gaza, prenant ainsi position sur le conflit au lieu de rester sur un rôle d’encyclopédiste, et perdant toute perspective pour se focaliser à la fois sur la reprise des éléments de langage du Hamas et sur des points de détail qui n’ont rien à faire sur ce type de document.
Grokipedia vs. Wikipedia ?
Bref, de ce que j’ai pu voir, Grokipedia est prometteur. C’est encore une version intermédiaire, à laquelle il manque à la fois des contenus et un aspect internationalisation. Mais qui va peut-être sonner le glas d’un Wikipedia miné par les guerres d’édition et la mainmise par des groupuscules aux objectifs inavoués.
Avec grokipedia, nous entrons dans une nouvelle ère, celle de la vérité construite par une IA. Une IA construire par des êtres humais, certes, s’appuyant sur des contenus élaborés eux-mêmes par des êtres humains, c’est également vrai. Mais débarrassée les guerres d’édition, et ça, c’est un progrès énorme…
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec















