Bernard Haitink

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À l’époque où je m’achetais des CDs, je m’étais constitué une assez correcte collection d’albums classiques, qui occupaient une portion non négligeable de ma bibliothèque. On y trouvait de tout, de la musique de chambre aux symphonies de Mahler, en passant par Chopin, Leo Delibes et même quelques opéras. Sur la couverture des CDs de musique symphonique, les grandes maisons avaient – et ont toujours – pour habitude d’indiquer non seulement le nom du compositeur, mais aussi, et c’est bien normal, le nom de l’orchestre et surtout, et là cela m’a toujours intrigué, le nom du chef d’orchestre. Il faut dire que le marketing musical, en matière de classique, n’évoluait pas beaucoup : on jouait sur la personnalité de tel ou tel chef (Karajan, par exemple) où la réputation de tel ou tel ensemble. Que le chef soit sulfureux (comme Karajan, qui avait commencé sa carrière sous le régime nazi) ou prestigieux, c’était cela qui importait le plus, semblait-il, ou du moins plus que la qualité de l’interprétation.

Pour moi, le nom du chef d’orchestre importait peu : ce qui était le plus important, à mes yeux, c’était l’oeuvre que j’allais pouvoir écouter en glissant le CD dans le lecteur que je m’étais acheté avec mes premiers revenus. Bien sûr, j’étais capable de distinguer entre deux interprétation de tel ou tel morceau, d’apprécier la force de l’une ou de détester la lenteur et le pathos de l’autre. Mais je ne distinguais pas encore l’impact de la direction de l’ensemble sur l’interprétation.

Sur nombre de mes CDs, cependant, un nom revenait très souvent : Bernard Haitink. Il ne faisait pas partie de ceux dont on prononçait le nom avec emphase dans les rares émissions de télévision consacrées à ce style de musique, ou du moins ne l’avais-je pas encore remarqué. Et Radio Classique existait à peine, et je ne passais pas encore de longues heures à l’écouter. Mais je remarquais que le nom de ce chef néerlandais, dont j’ignorais tout, était inscrit sur la pochette de nombreuses symphonies. On aurait dit qu’il les avait toutes enregistrées, celles de Beethoven comme celles de Brahms, de Mahler ou de Bruckner.

Bernard Haitink s’est éteint il y a quelques jours, à 92 ans. Pendant toutes ces années, je ne l’ai jamais vu diriger, et je serais bien incapable de le reconnaître. Pourtant, à la tête du Concertgebouw d’Amsterdam, il a fait de belles choses. Et ce qu’en dit de lui sa récente nécro dans The Economist m’incite à croire qu’un grand chef, doté d’une grande humilité, vient de disparaître.

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