The Space Barons, ou l’Étoffe des egos

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Sous le titre alléchant « The Space Barons » se cache l’enquête minutieuse, menée par Christian Davenport, journaliste du Washington Post, sur un sujet passionnant: l’essor, durant les 15 dernières années, d’entreprises créées par de jeunes milliardaires, dont le but est de donner un coup de neuf à la conquête spatiale et au transport de fret et d’individus dans l’espace.

Disons le tout de suit: le sujet est passionnant, mais le livre est décevant: trop axé sur les anecdotes, les « petites histoires », il abonde de citations des milliardaires en question, dans un style emphatique qui nuit à la lecture. C’est finalement un assez bon et long article de journaliste (presque 300 pages), mais cela n’a pas la teneur d’un véritable livre: il n’invite ni à la réflexion, ni à la critique. Tout juste permet-il de mettre en perspective l’essor de Space X et de Blue origin, puisqu’il est principalement question de ces deux entreprise, même si Virgin Galactic fait l’objet de quelques paragraphes.

Space X enchaîne les lancements avec succès…

Passionnant, le sujet l’est assurément. Quand Elon Musk, Jeff Bezos ou Paul Allen se lancent dans de nouveaux projets pour assouvir leur passion au début du siècle, il s’agit encore de doux rêveurs. La navette spatiale était encore le principal moyen de faire voyager des équipages en orbite ou de rejoindre l’ISS, les lanceurs coûtaient encore des fortunes, et leurs boosters étaient négligemment laissés à l’abandon au fond de l’océan.

C’est la base de l’analyse de Musk: si dans tant de domaines, l’essor de l’informatique a permis de réduire les coûts, comment se fait-il que dans le spatial, les coûts soient restés aussi exorbitants (sans jeu de mot…)? Il se lance donc dans la conception de lanceurs à moindre coût, avant d’opter, comme Bezos, pour des lanceurs réutilisables: une fois leur mission (de deux minutes et quelques) accomplie, ils viennent se poser à un endroit bien choisi, pour être réutilisé par la suite.

Si le jeune et trépidant Musk se lance dans ce projet de manière assez ostentatoire, Bezos, lui, opte pour une approche plus discrète, et The Space Barons ne cesse de mettre cette opposition de style en exergue, au point d’en devenir parfois agaçant: un lecteur attentif, ça finit par comprendre au bout de la troisième répétition !

Musk devra se battre avec ténacité pour convaincre: les fabricants de lanceurs auxquels faisaient appel la Nasa et l’armée américaine, Boeing et Lockheed, ne l’entendaient pas de cette oreille. Tout sera fait pour freiner l’ascension de Space X. Le livre rappelle que par deux fois, Musk est allé au tribunal pour attaquer son client (!) et demander de considérer les procédures d’appel d’offre, dont il considère qu’il a été injustement écarté. L’obstination fonctionne, mais c’est l’abandon du programme spatial établi sous Georges W. Bush et le choix, par Obama, de diminuer les coûts (nous étions en pleine crise des subprimes, il faut le rappeler), que la chance va sourire à Musk, qui se voit attribuer des contrats presque aussi importants que ceux de ses concurrents, unis dans une alliance qui n’hésitera pas à faire appel au lanceur conçu par Blue Origin, pour lui barrer la route.

Le New Shepard Blue Origin

Comment ces deux milliardaires ont-ils pu mener de front leurs projets spatiaux, tout en maintenant leurs activités annexes – Bezos à la tête d’Amazon, et Musk à la tête de Tesla – le livre reste assez disert là-dessus, se contentant d’expliquer que Bezos ne consacre qu’une journée pr semaine – le mercredi – à sa marotte.

Bref, avec The Space barons, on est encore loin de l’Étoffe des héros, en terme de style. Mais en ce qui concerne l’Étoffe des egos, le lecteur en a pour son argent.

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