Le grand débat

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Est-ce la fin des débats, ou le débat de la fin? Nul ne le sait. En ouvrant cette boîte de Pandore nommée « Grand débat », le Président de la République donne l’impression de faire du trapèze sans filet. À commencer par ce mode de consultation, inédit en France, et qui ne paraît pas plus clair, à la lecture de la lettre qu’il adresse à nos compatriotes. Sorte de référendum à questions multiples, immense boîte à idée (qu’on espère digitale) ou sondage express auprès de 65 millions de français?

Sur la forme, il n’y a rien à dire. Le président de la République s’exprime dans un français dont on peut goûter chaque phrase, comme ce magnifique « J’ai eu de premiers retours que j’ai pu prendre en compte« . Et oui, lorsque le substantif est masculin et au pluriel, l’adjectif indéfini des devient de: un jeune homme, mais de jeunes gens; un grand vaisseau, de grands vaisseaux. Mais passons sur ce point, qui relève du détail.

La lettre pose clairement les quatre thématiques de ce grand débat. Je ne sais si l’ordre a une importance, dans pareil cas, mais il a de quoi surprendre.

C’est pourquoi, avec le Gouvernement, nous avons retenu quatre grands thèmes qui couvrent beaucoup des grands enjeux de la nation : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’Etat et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté.

Et quoi, la question des impôts serait-elle le socle sur lequel se développera le futur de la société française? Je n’ose y croire. Ou bien s’agit-il d’un discours électoraliste comme un autre: je vous ai entendus, je vais baisser les impôts, dites-moi par où commencer. Hollande était tombé par l’inversion de la courbe du chômage, la baisse des impôts réussira-t-elle mieux à son successeur?

Cela se poursuit avec l’organisation de l’état. C’est un débat récurrent. On veut simplifier le millefeuille, mais comme la simplification passe par des lois, et que ce sont les feuilles du millefeuille qui votent les lois, cela a toujours été difficile. Limitation du cumul des mandats, réduction du nombre de régions, on a déjà essayé par le passé. Que reste-t-il à envisager?

Cela se poursuit par la transition écologique. Dans un pays où quelques millier de bonnets rouges sont prêts à se mobiliser pour empêcher la mise en place du éco-taxe sur les transports routiers (c’était il y a moins de dix ans, souvenez-vous), et où la hausse du prix du diesel a suscité une explosion de champignons jaunes sur tous les ronds-point du pays, on a du mal à y croire. Les français – comme la plupart des autres nations – ont, dans leur majorité, une vision de la transition écologique qui se résume à: j’en fait déjà assez comme cela, c’est au tour des autres de s’y mettre.

Quant au quatrième thème, celui de la démocratie et de la citoyenneté, il risque fort d’être phagocyté par les franges extrêmes de la population; Partout, sur la planète, les ennemis de la démocratie sont ceux qui savent le mieux se mobiliser – démocratiquement – pour bousculer l’assise démocrate des pays où ils se trouvent. C’est la paradoxe des régimes démocratiques, qui sont capables d’accepter leurs pires ennemis, et de prendre le risque de leur disparition, au nom de la démocratie.

De deux choses l’une. Ou cette lettre relève de l’enfumage caractérisé. Et alors il n’y a rien à en attendre. Ou bien Emmanuel Macron attend-il qu’il sorte quelque chose de cette improvisation spectaculaire. J’ai bien peur, dans c cas, qu’il n’en sorte pas grand chose de bon. Bertrand Duperrin livre sa vision des choses, et je suis assez d’accord avec lui.

Rendez-vous le 15 mars prochain – les ides de Mars… – pour savoir ce qui en sortira.

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