La guerre des intelligences

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C’est avec beaucoup d’enthousiasme et sans aucun a priori sur son auteur, que je me suis procuré La guerre des intelligences. J’espérais qu’au travers de la réflexion que mène Laurent Alexandre sur l’innovation technologique, je découvrirais un regard différent de la béatitude ambiante qui règne autour des sujets liés à l’Intelligence Artificielle. Je dois avouer que ma déception est à la hauteur de mon enthousiasme initiale. La Guerre des intelligences passe à côté de son sujet. Pire, j’y ai trouvé des thèses pour le moins ambigües, à la limite d’une forme de sélection naturelle qui pourrait, si elle est mal interprétée, pousser à l’eugénisme. Lecteur intéressé par l’IA, passe ton chemin.

Pourtant, j’attendais beaucoup de ce livre. Son auteur, le docteur Laurent Alexandre, est un personnage important de l’univers du web français. Urologue de formation, passionné par le transhumanisme, il incarne un idéal de modernité, et fait partie de l’équipe qui inventa Doctissimo, avant de le revendre au groupe Lagardère. Il mène depuis une vie de conférencier, de penseur du web et de l’univers des technologies, et d’auteur de livres à succès aux titres percutants, comme La mort de la mort, ou La guerre des intelligences.

C’est ce dernier livre qui m’a particulièrement séduit. Quelle perception de l’Intelligence Artificielle un auteur à succès de cet ordre peut-il véhiculer? Quels sont les messages clefs? Qu’en tirera un béotien en la matière? Et bien ce message est assez simple, en fait: face à l’hyper puissance dont bénéficieront « les intelligences artificielles » – notez le glissement sémantique qui s’est opéré ces dernières années, l’IA étant passée d’un domaine à une individualité – l’espèce humaine devra faire preuve d’audace pour survive. Et pour l’auteur, il n’y a pas de doute, cela passe par une refonte des systèmes éducatifs. Et de décrier tout ce que l’humanité a is en branle depuis que le monde et monde, pour former nos chères têtes blondes.

Pourtant, on est loin d’Homo Deus et de ses futurs possibles. On navigue plutôt entre les assertions péremptoires sur la supériorité absolue des intelligences artificielles (rebelote), dont les connaissances et donc le pouvoir ne sauraient avoir de frontières, face à une espèce humaine confrontée à ses limites naturelles. Notre seul espoir, selon l’auteur, c’est de nous appuyer sur ceux d’entre nous qui bénéficient des meilleures dispositions pour faire face. Et de remettre sur le devant de la scène le QI, et de déclarer l’école obsolète, et de nous préparer à un futur des plus terribles.

Je n’aime pas ce type de texte. On n’y apprend pas grand chose, on n’y propose pas grand chose, on y nage dans une sorte de catastrophisme ambiant, alors qu’il y aurait tant à faire comprendre sur les réalités propres à l’intelligence artificielle et sur l’état de l’art. A ce sujet, je rappelle l’excellent travail réalisé par Olivier Ezratty. Son rapport est disponible gratuitement en téléchargement au format PDF. Le lecteur intéressé par ces technologies et leur impact y apprendra bien plus qu’en feuilletant les 300 et quelques pages de la Guerre des intelligences.

A écouter, également, la leçon inaugurale du cours de Stéphane Mallat au Collège de France, humblement intitulé: L’apprentissage face à la malédiction de la grande dimension. Oui, c’est cela, le texte de Laurent Alexandre manque d’humilité face aux grandes questions qui se posent non pas sur la suprématie des algorithmes, mais sur leur faible capacité à aller plus loins que ce qu’on leur demande…

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