Denis Guedj n'aime pas les maths financières
Denis Guedj était ce matin l’invité des Matins de France-Culture. Il a publié une attaque violente contre les maths financières dans Libération. Sa diatribe me paraît excessive. Son reproche pourrait s’adresser à l’ensemble de l’économie et des institutions financières.
Les lecteurs de ces pages savent combien je suis consterné que tant de polytechniciens, habiles matheux et physiciens, se dirigent vers les métiers de la banque plutôt que vers les technologies. Mais ce n’est pas en raison des salaires mirobolants, que Denis Guedj semble reprocher aux "golden machins" comme il les appelle. Ni en vertu d’une quelconque dépréciationd ‘une matière noble – les maths – au contact du diable – la finance.
Les mathématiques ont plusieurs facettes. Elles peuvent être appréciées comme un jeu, être l’objet d’une profession, d’un goût, ou tout bonnement servir à modéliser ce qu’on cherche à comprendre. Et dans le cadre de l’économie et de la finance, les mathématiques sont un outil que des milliers de matheux expérimentent tous les jours. Le combat de Mr Guedj, par ailleurs auteur amusant, me semble empreint d’une certaine langue de bois, d’un discours qu’on retrouve dans une frange de la population pour qu itout ce qui touche à l’argent est sale et corrompu. Ce n’est pas un bon combat.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
« Les mathématiques sont un outil que des milliers de matheux expérimentent tous les jours ». Le problème c’est que le champ d’expérimentation des mathématiques financières se confond avec le monde économique et donc avec la vie de tout un chacun sur l’ensemble de la planète. S’il s’agissait d’argent de Monopoly, le mal serait limité. Mais il s’agit de l’argent qui sert à manger, à construire des usines, à financer de la recherche, à construire des logements,…
Je suis incapable de savoir si et surtout comment les mathématiques financières pourront être utiles un jour pour créer plus de richesses (réelles) pour tous. Je suis en revanche convaincu qu’elles ne reposent pas encore aujourd’hui sur des modèles fiables (sans doute à cause d’une approche trop statistique, décorrélée de la réalité matérielle, psychologique, industrielle,… ) et que la seule méthode de tester et de valider ces modèles consiste hélas à les appliquer en grandeur réelle à l’échelle de la planète. Je sais bien que nous vivons à une époque d’apprentis sorciers planétaires (OGM, nucléaire, réchauffement climatique,…). L’humanité met en jeu tous les jours sa propre survie et cette prise de risque a été indispensable au progrès. Mais la démocatie, l’évolution des moyens d’échange, la politique permettent de mettre en question ces nouveautés techniques et au moins de provoquer un débat. Jusqu’à aujourd’hui les mathématiques financières étaient inconnues du grands public qui n’imaginait même pas le danger qu’elles représentent. On peut au moins espérer que cette crise permettra de créer une réflexion sur leurs buts et leurs enjeux et qu’à terme elles évoluent vers la création d’un outil humaniste et non destiné au seul profit de quelques uns (qui ne sont pas forcément les mathématiciens eux-mêmes !).
Par ailleurs, si les jeunes polytechniciens, normaliens, et autres centraliens pouvaient s’orienter un peu plus vers la création industrielle, vers la recherche, vers les start-up (c’est à dire prendre des risques pour eux et non pour les autres): ce serait sans doute une bonne nouvelle pour notre avenir.
Je suis d’accord sur la conclusion de ton commentaire.
Concernant le danger des maths fi, je le rapproche du danger de la physique nucléaire. On peut tirer de tout de l’atome, du bien (l’électricité qui nous alimente) comme du mal (les bombes atomiques). Doit-on pour autant condamner la recherche dans ce domaine? Evidemment non.
J’avais écouté la même émission de France-Culture, et avais eu la même impression, à savoir que l’argumentation aurait dû être plus développée.