Crise et châtiment

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Voici probablement l’un des romans les plus étonnants de la rentrée, et certainement un de ceux qui méritent votre attention, si vous vous intéressez à l’univers de la finance et à la crise de 2008: Crise et châtiment. Son auteur, Bertrand Fitoussi, est un ancien de la Société Générale, qui de son poste basé à Londres, a pu suivre la crise des subprime de très près. Son récit y puise une force et une précision qui n’est pas sans rappeler celle qui émanait de 99 franc, le roman de Frédéric Beigbeder qui dénonçait, il y a une quinzaine d’années, les dérives de l’univers de la pub.

Crise-et-chatiment_uneTout comme Octave Parrango dans le livre de Beigbeder, le héros de Bertrand Fitoussi, Mathieu Blanc, est d’abord un grand professionnel, qui aime son métier. Mais l’univers dans lequel il évolue, l’entreprise dans laquelle il travaille, et ses choix personnels vont l’orienter dans une direction qui l’écoeure au plus haut point, jusqu’à la chute, dans un étonnant cocktail d’argent, de sexe et de drogue.

Le récit suit la chronologie des faits, de 2006 à 2009. Cadre dans une banque de taille moyenne qui veut évoluer vers le marché des CDO pour faire comme les autres, Mathieu Blanc se voit attribuer la responsabilité de l’équipe mise en place pour déployer cette stratégie. Or il est déjà trop tard, le marché US commence à se retourner, et Mathieu a de gros doutes, mais sa hiérarchie ne veut rien entendre. Ajoutez à cela qu’à la quarantaine passée, notre Mathieu voit revenir son amour de jeunesse et se laisse embarquer dans une histoire d’adultère qui l’empêche de prendre les bonnes décisions aux moments où il devrait les prendre. Quelle misère…

C’est drôle, parfois très cru, mais assez réaliste sur l’ambiance euphorisante qui régnait sur les desks des banques qui se lançaient de manière plus ou moins hasardeuse sur les CDO, jusqu’à la chute finale. La conférence de Barcelone qu’il évoque au début du livre me rappelle d’ailleurs de lointains souvenirs… Loin du Loup de Wall Street et d’autres récits du même acabit, Crise et châtiment porte un regard critique et très précis sur l’univers de ces français qui cherchaient (et cherchent encore pour certains) à faire fortune dans l’univers de la banque, à Londres: à côté des gérants aux bonus explosifs, on y côtoie les larbins de la finance, aux bonus tout juste suffisants pour payer l’exorbitant loyer de leur appartement miteux à Chelsea, synonyme d’une réussite toute virtuelle. Mieux encore, à l’issue de la lecture de ce livre, vous saurez faire la différence entre les traders, les structureurs, les courtiers, les commerciaux, et tous ces multiples petits métiers qui font la magie d’une salle de marché…

Pour son premier roman, Bertrand Fitoussi, avec qui j’ai eu le plaisir de partager quelques grands moments footballistiques à l’X il y a une trentaine d’années, réussit un coup de maître. Les déboires de Mathieu Blanc deviendront probablement l’un des récits emblématiques de la décennie la plus folle de la finance de marché. Ce livre, j’en suis certain, fera probablement l’objet d’une adaptation cinématographique qui pourrait devenir pour la finance londonienne ce que Wall Street ou le Bûcher des vanités représentent pour la finance new-yorkaise.

Crise et châtiment, Editions Scrineo, 20 euros

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