Mais alors, est-ce que Ardisson, c’est Faurisson ?
Je n’ai jamais apprécié Thierry Ardisson. Ni lui, ni ses émissions. Ancien publiciste aux slogans qui font mouche, et donc particulièrement habile avec les mots – on en reparlera plus loin – Ardisson a basculé dans l’univers de la télévision dans les années 80, en produisant et présentant des émissions « branchées », des talk-shows ou il recevait un public éclectique, allant des politiques aux stars du show-biz en passant par le grand rabbin de France : Lunettes noires pour nuits blanches, Tout le monde en parle, Salut les Terriens, ses émissions ont rencontré un succès que j’ai du mal à qualifier de mérité, tant leurs contenus flirtait avec la provoc pour la provoc, au prétexte de tenir leurs publics informés.
Le sens de la formule
Cultivant le look d’un groupe à la mode dans les années 80 (les Stranglers, pour ceux qui s’en souviennent), Ardisson s’est également fait remarquer pour son sens des formules choc. On se souvient de son « Sucer c’est tromper ? », question posée insidieusement à Michel Rocard lors d’une de ses émissions. On peut également se souvenir des slogans dont il revendique la paternité, qui appartiennent désormais à l’histoire des agences de pub, comme « Vas-y waza », ou « Quand c’est trop c’est tropico ». Bred, comme Michel Drucker, Michel Denisot et tant d’autres, Ardisson fait partie de cette troupe d’artistes de la télévision, qui cultive sa propre légende, peut-être dans le but de se préparer à un éternel retour derrière les écrans.
Ce sens de la formule choc, Ardisson nous en a donné un nouvel exemple samedi dernier, dans l’émission Quelle époque ! présentée par Léa Salamé. Une émission qui n’est que la lointaine descendante, d’ailleurs, du Tout le monde en parle lancé par Ardisson, devenu On n’est pas couché avec Laurent Ruquier, avant de passer sous le format actuel. Sans être un spectateur fidèle de cette émission, il m’arrive de finir par allumer de manière un peu machinale mon poste de télévision, aux alentours de minuit le samedi soir, en attendant de voir passer l’excellent Philippe Caverivière et sa chronique hebdomadaire. En général, je ne reste pas longtemps : les personnalités invitées par Christophe Dechavanne et Léa Salamé finissent par m’agacer assez rapidement. Venus faire la retape pour leur dernier livre, leur dernier film, leur coming-out ou leur retour en politique, ils n’invitent en général pas à la réflexion, et interviennent surtout sur un registre émotionnel.
Ce fut le cas samedi dernier. Je n’ai pas vu l’émission, mais j’ai pu suivre, via les réseaux sociaux et les réactions qui y ont été diffusées, quelques extraits qui m’ont fait bondir au plafond. Un médecin humanitaire, Raphael Pitti, proche de Raphael Glucksman (le compagnon de Léa Salamé) y était invité pour parler de la situation à Gaza, sur ce mode dont on a désormais l’habitude depuis un an et demi, et où Israel est coupable de tous les mots. Je passe sur l’incohérence de ce discours, du style un génocide qui dure depuis un an (ils sont vraiment pas forts en génocides, ces juifs) ou 50 000 enfants assassinés (tiens, le ministère de la santé du Hamas n’est même plus cité comme origine des propos).
Le mur du (Ardi)çon
C’est alors que Thierry Ardisson a pris la parole pour s’exprimer, et sortir une de ces formules choc dont il a le secret : « Gaza, c’est Auschwitz » ». Il faut voir la tête de Léa Salamé », suivi d’une tirade sur Israël et les Juifs, et tenir une discours, qu’on a plus l’habitude d’entendre de la bouche des représentants de LFI, sur ce que diront ses petits-enfants. Il faut ien observer cette séquence, le regard d’épagneul triste de Léa Salamé, le travelling sur la mine affligée des autres invités qui opinent du chef, tout cela habilement monté et diffusé dans cette émission enregistrée quelques jours plus tôt, sans que la production, les invités ou les présentateurs ne prennent le temps de comprendre ce qui y est dit.
La vieillesse est un naufrage, certes. Mais même à 75 ans, Thierry Ardisson est en possession de tous ses moyens. La preuve, c’est que comprenant l’impact de ses propos, il a diffusé, le lendemain, un communiqué pour s’excuser, sans doute auprès de ses amis juifs, de cette ignoble comparaison.
Le problème, c’est que ce communiqué de presse ne réparera pas les dommages commis. Diffusé sur Twitter, il touchera bien sûr le public composé de ceux qui se sont offusqués de ces propos. Mais touchera-t-il les centaines de milliers de spectateurs de samedi dernier ? J’en doute. S’il veut aller au bout de la démarche, Thierry Ardisson doit revenir sur ses propos devant le même public, le samedi suivant, dans la même émission, et présenter ses excuses. Tout comme Léa Salamé, coupable d’avoir laisser proférer de telles inanités sans réagir – ah non, elle a dit « certains israéliens », sans contredire la comparaison avec les camps d’extermination. Tout comme la production, Winter Productions, et Régis Lamanna-Rodat.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec