Les baigneurs de Hanoucca
Commémorant la restauration de l’autel du second temple après la victoire des Hasmonéens sur les Séleucides, Hanoucca (la graphie occidentale peut varier : Hanouka, Hanoucah, etc.) est une fête juive qui s’étale sur huit jours, et durant laquelle on célèbre la victoire de la lumière (les gentils) contre les ténèbres (les méchants) en allumant des candélabres à la tombée de la nuit, selon une suite arithmétique de raison 1, qui est aussi l’occasion d’expliquer aux jeunes enfants la formule suivante : 1+2+…+n = n(n+1)/2 (ce qui constitue une bonne introduction à la récurrence, au passage).
Cet aspect lumière contre ténèbres peut sembler un peu manichéenne et faire sourire de nos jours, mais elle a sans doute permis de renforcer l’unité de ce petit peuple qui perdure tant bien que mal à travers les lieux et les époques. Et c’est aussi un excellent moyen de célébrer le miracle de la fiole d’huile … en mangeant quelques beignets (dont l’origine traditionnelle est rudement mise à l’épreuve sur ce post Instagram d’Elon Gilad).
Manger des beignets, c’est bien, manger des beignets à la plage, c’est encore mieux. Mais ce n’est pas toujours simple. Il y a d’abord un problème de date : Hanoucca tombe au mois de Kislev, c’est à dire dans la deuxième quinzaine de décembre – ce qui fait qu’on croise souvent de petits candélabres à côté des sapins de Noel dans des villes au multiculturalisme assumé comme New-York (mais pas encore à Paris…). Et la plage en décembre, ce n’est pas donné à tout le monde. On peut bien sûr se baigner à Eilat, mais la mer y est encore un peu fraîche. Ou choisir l’hémisphère sud, mais la tombée de la nuit y est un peu tardive, et l’allumage à 23h, c’est un peu kitsch.
Désormais, il faudra compter avec un second problème : une secte d’abrutis qui a décidé que Hanoucca à la plage était une bonne occasion d’aller tuer du juif, comme on a pu le constater cette semaine à Sydney. Ce qui n’est pas si simple non plus pour les adeptes de cette secte, car distinguer un juif en maillot de bain d’un autre quidam en maillot de bain, ce n’est pas donné à tout le monde. Et à 100 ou 200 mètres, une lunette de visée s’impose, ce qui explique sans doute le choix des armes de ces deux ignobles individus.
L’attentat de Bondi Beach soulève bien d’autres questions, qu’il faut hélas évoquer ici. Allumer des bougies chez soi, sur un rebord de fenêtre, passe encore. Mais un allumage public, comme c’était le cas sur cette plage, à quoi cela sert-il vraiment ? Cette célébration, instaurée par le dernier rabbi de Loubavitch, remonte à moins d’un demi-siècle, me semble-t-il. Elle permet certes d’exprimer publiquement sa joie, mais expose les fidèles qui y participent à des risques de plus en plus difficiles à gérer, de nos jours.
L’allumage de Bondi beach, lui, s’est effectué sans apparemment aucune présence policière. Les deux terroristes ont pu s’en donner à coeur joie, malgré les interventions d’individus d’origines diverses, qui ont tenté de les en empêcher, parfois au péril de leur vie comme ce couple de septuagénaires qui ont été assassinés, ou ce courageux marchand de légume qui en désarma un avant de se prendre deux balles.
Bref, si vous envisagez de célébrer Hanoucca par une baignade et quelques beignets, l’hémisphère sud n’est peut-être plus la destination à privilégier. Il y fait certes chaud, mais un peu trop pour que cela soit vraiment sans risque.
Hervé Kabla, CTO de Cymon, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
















