Quand la France se détourne de la science
Notre pays se serait-il engagé sur une voie périlleuse, celle d’un désamour croissant avec la science, au sens large ? C’est ce que Karine Berger et Grégoire Biasini nous expliquent dans un bref essai intitulé Quand la France se détoure de la science. Leur constat est parfaitement résumé au 12e chapitre de ce livre : défiance et suspicion à l’égard des techniques et recherches scientifiques ; débat scientifique réduit au rang de polémique par tous les nouveaux médias ; vérités dites alternatives concurrençant la vérité définie par la science ; niveau scientifique de plus en plus incertain, dans l’indifférence majoritaire ; régulation ou moratoire de certains pans de la recherche ; déclassement des politiques scientifiques.
Ce constat fait froid dans le dos, pourtant il suffit d’ouvrir son poste de radio ou de télévision et de se brancher, par exemple, sur une chaîne d’information en continu pour constater l’étendue des dégâts. Ou d’ouvrir le manuel scolaire de nos chères têtes blondes pour prendre la mesure de la faiblesse de l’enseignement scientifique en France, de moins en moins exigeant et d’un niveau en constante baisse depuis plusieurs années, amenant à un déclassement national dans les études comparées sur le niveau des élèves au primia reou au collège.
Ce livre abonde d’exemples et de statistiques effrayantes, allant chercher les causes du côté de l’enseignement, de la lâcheté des politiques, ou de la défiance du grand public vis a vis des décisions prises par les dirigeants français depuis près de quarante ans sur des sujets scientifiques, décisions souvent prises en dépit de la rigueur scientifique pour ne servir que des intérêts politiques.
On ne peut qu’être d’accord avec les premiers chapitres de ce livre. Pourtant, sa conclusion m’a laissé sur ma faim, et pour plusieurs raisons. La première réside dans la faiblesse des propositions des auteurs. Sont-ils vraiment sérieux quand ils pensent que 3 ou 5mn en prime time apporterait un véritable changement dans la perception des apports scientifiques ? Ou que la formation continue des instituteurs, passée en moyenne de 3 jours à 2, a un tel impact ? Il me semble, au contraire, que c’est par l’économie, et l’attrait de revenus plus confortables – ou moins misérables – qu’un retour vers la science, et l’enseignement des sciences pourrait un jour se profiler.
De même, les auteurs de citent la Chine que très rarement dans ce livre de moins de deux cents pages. C’est pourtant, me semble-t-il, le pays qui accorde, de nos jours, la plus grande importance aux sciences et à leur enseignement. Cela n’a pas toujours été le cas. Comment ce pays d’un milliard et demi d’habitants y est-il parvenu ? Cela aurait dû, à mon sens, être un des leviers d’analyse pour un tel ouvrage.
Enfin, la comparaison avec le désengagement scientifique aux États-Unis a ses limites. Pointer du doigt les coupes récentes effectuées par l’administration trump, et lors du court passage d’Elon Musk à la tête du DOGE, cela fait trembler dans les chaumières. Mais cela ne signifie pas que ce pays prend le même chemin que la France. Au contraire, les investissements dans les sujets de défense nationale ou dans l’intelligence artificielle illustrent un réel engouement pour les sciences. Ce que les auteurs pointent du doigt, c’est la lutte contre des dérives récentes de certaines universités et certains pans de la recherche, plus intéressés par les sujets de diversité et d »intégration que par le but principal de leurs recherches. Les seuls sujets de préoccupation valide concernent sans doute les recherches sur le réchauffement ou sur la politique de vaccin, mais ils sont plus le fait de dirigeants partiellement abrutis qu’un désengagement national sur le long terme. Ces errements sont conjoncturels, et prendront fin lors de la prochaine aletrnance entre républicains et démocrates.
Bref, avec ce livre, Karine Berger et Grégoire Biasini dressent un portrait glaçant de la société française, un constat parfaitement sourcé et qui devrait être soumis aux politiques de tous bords. En revanche, les solutions qu’ils préconisent méritent un peu plus de travail…
Hervé Kabla, CTO de Cymon, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec



















