La fin de Skype

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En écoutant les nouvelles à a radio ce matin, une nouvelle m’a particulièrement touché : la fin de Skype, programmée pour ce moi de mai 2025. triste fin, dans l’anonymat quasi général, d’une technologie qui, en son temps, avait été une petite révolution.

Je me souviens très bien des débuts de Skype, au début du siècle, à une époque où mon travail m’amenait à voyager de plus en plus souvent, et où il existait encore peu de solutions économiques pour téléphoner d’un pays à l’autre. C’était encore l’ère des factures téléphoniques à trois ou quatre chiffres… L’apparition de ce petit trublion, qui nous permettait de téléphoner gratuitement, en utilisant internet, allait radicalement changer la nature des échanges entre individus. On allait enfin pouvoir s’étendre dans des discussions interminables d’un pays à l’autre. Skype était une technologie emblématique de la mondialisation, le héraut technologie de cette Terre devenue plate.

De Kazaa à Skype…

Pour retrouver l’impact de Skype, rien de tel que de se replonger dans les archives de ce blog. À l’époque, j’étais fan de technologies, et je suivais avec curiosité les aventures de cette petite société créée en Estonie. On s’étonnait encore de l’essor de ces start-up nées dans les pays baltes, fraîchement libérés du joug soviétique – la chute du mur de Berlin datait d’à peine une quinzaine d’années.

Skype avait été créée par un certain Niklas Zennström, qui avait déjà fait parler de lui avec un logiciel de partage de fichiers musicaux, Kazaa. Pour mes plus jeunes lecteurs qui n’ont pas connu cette époque un peu folle, rappelons qu’Apple ne vendait pas de musique, que Spotify et Deezer n’existait pas encore, et que le prix d’un CD était de l’ordre d’une quinzaine d’euros. Pour écouter de la musique sans fin, la solution la plus simple – mais aussi la moins légale – consistait à télécharger des fichiers audios, au format mp3, qu’on écoutait sur un ordinateur ou sur un lecteur mp3. Kazaa avait révolutionné l’industrie du téléchargement illégal, en introduisant une architecture dite peer to peer, où l’on ne s’adressait pas à un serveur qui centralisait tous les contenus musicaux, mais on laissait les fichiers passer d’un utilisateur à l’autre.

Je suppose que c’est cette aisance technologique qui a permis à Zennström et ses associés de se lancer dans un projet tel que Skype. Skype permettait de joindre un correspondant identifié non par un numéro fourni par un opérateur local, mais par un identifiant – le mien était très simple, hkabla. Le succès a été foudroyant, et Skype fut rapidement racheté par eBay, au prétexte de permettre des échanges entre vendeurs et acheteurs. quelques années plus tard, l’approche n’ayant pas fait ses preuves, eBay revendit Skype à Microsoft, qui en fit son cheval de bataille dans l’introduction de technologies de communication entre individus, d’abord via une offre grand public, puis en introduisant Skype entreprise, une solution peut-être plus adaptée aux contraintes des échanges derrière des firewalls et sans ouvrir des dizaines de ports de communication, ce qui introduisait des failles majeures au sein des réseaux d’entreprise.

It’s the UX, stupid

Le rachat de Skype par Microsoft n’était pas une mauvaise idée en soi. L’essor de Teams ces dernières années a montré la pertinence d’une solution de communication associant voix, vidéo, partage de fichiers au sein de l’offre du géant de l’IT. Mais le Microsoft de 2006 n’avait rien à voir avec l’actuel. Son patron d’alors, Steve Balmer, n’était pas vraiment un visionnaire, et l’intégration de Skype fut, à mes yeux, l’exemple même de ce qu’il ne fallait pas faire. Application simple et fiable à ses débuts, Skype est rapidement devenue, sous la houlette de Microsoft, une application à l’interface de plus en plus complexe, de celles dont on se demande, une fois qu’on l’a installée, s’il n’y aurait pas quelque chose de plus simple et de plus pratique.

Skype avait pourtant réussi à se frayer un chemin et à changer la face du monde. La révolution de la téléphonie sur IP, dont Skype n’était qu’un des avatars finalement, a mis un terme à son développement. Malgré quelques tentatives audacieuses pour surfer sur cette vague, en permettant de passer des appels de Skype vers des numéros de téléphone (et vice-versa via un « numéro Skype ») ou en introduisant une version pour smartphone, ancêtre de nos appels WhatsApp.

Adieu Skype, on t’aimait bien.

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