Sortie de route à Billancourt

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Depuis deux jours, on ne parle plus que de ça, au point que les manifestations des gilets jaunes sont passées à l’arrière-plan: la chute de Carlos Ghosn. Lui, le patron emblématique de l’alliance Renault-Nissan, figure multiculturelle rare au sein de l’élite française, patron atypique navigant entre deux continents, à la tête d’un géant de l’automobile, comment peut-il tomber d’aussi haut en aussi peu de temps? Et l’on se souvient, tout à coup, de la mise à l’écart tout aussi rapide d’un grand nom de Renault, Patrick Pelata, dont les mésaventures font l’objet d’un chapitre passionnant du livre Les fusibles.


Dans de telles affaires, il faut du temps pour laisser décanter l’agitation médiatique, et y voir plus clair. Le patron de Renault-Nissan, polytechnicien, ingénieur des Mines, est en effet accusé de fraude fiscale au Japon sur des montants assez vertigineux. Plusieurs scénarios sont envisageables.

  • Premier cas: les chefs d’inculpation sont avérés. Personnellement, j’ai du mal à croire qu’à ce niveau de responsabilité et de professionnalisme, ce chef d’entreprise n’ait pas été conseillé sur « l’optimisation » (quel odieux euphémisme) de ses revenus. Au-delà de la cupidité de l’individu (je laisse chacun libre de la juger à sa façon, mais quand on pense à feu Raymond Levy et à sa probité, on se dit qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de Boulogne-Billancourt), il y a quelque chose qui cloche: il existe des dizaines de cabinets pour cela, qui ont pignon sur rue, et conseillent d’autres grands patrons. Y aurait-il eu une faille – une balance – à ce niveau? A moins qu’il ne souffre de phobie administrative lui aussi…
  • Second cas, évoqué par la presse française: les Japonais ne veulent pas laisser partir Nissan, considéré comme étant le fleuron de l’alliance. C’est l’argument mis en avant sur de nombreux sites de presse français. Là aussi, j’ai du mal à y croire. Au-delà de l’approche franchement chauvine, il y a d’autres manières de préserver ses intérêts nationaux, et je doute que l’état japonais brandisse ce type d’argument à chaque fois que les intérêts économiques sont en jeu.
  • Troisième cas: règlement de compte franco-français. On a pu voir, par le passé, que les relations entre le dirigeant et l’état-actionnaire n’étaient pas au beau fixe. On pourra noter que, suite à cette histoire, les cours de bourse des deux constructeurs ont dévissé, ce qui offre dans pareil cas de belles opportunités pour des investisseurs à l’affût. Rappelons qu’au sommet de l’état trône un ancien banquier d’affaire. Et qu’en matière de prise de contrôle d’un groupe par des actionnaires un peu pressés, on a déjà vu des coups tout aussi tordus. De là à faire tomber un grand patron français, il y a un pas qu’il me semble difficile de franchir.
  • Quatrième cas: un putsch en interne. Cf. l’histoire de Patrick Pelata citée plus haut.

Affaire à suivre…

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