Le plein emploi, c’est possible ! #uemedef14

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Près de deux mille personnes réunies pour la plénière dédiée au plein emploi, lors de cette université d’été du MEDEF 2014. Une table ronde en deux parties, la première consacrée à la France, et la seconde sur l’étranger.

Avec Elie Cohen, Françoise Gri, Alain Juppé, Denis Kessler, Patrick de Maeseneire, Jean-François Pilliard, Wu Jianmin. Table ronde animée par Edwige Chevrillon.

Le plein emploi est-il possible?

Alain Juppé reconnaît que les orientations générales présentées par Manuel Valls vont dans la bonne direction. La question, selon lui, sera de trouver un support auprès de sa majorité. On aimerait juste lui rétorquer que si ces orientations sont positives, pourquoi la droite ne les supporteraient pas? Edwige Chevrillon, elle, pos ela question d’une éventuelle cohabitation, qu’Alain Juppé rejette. Il ne souhaite pas de dissolution – et dieu sait s’il s’y connaît en termes de dissolution…

Jean-François Pilliard rappelle que les chiffres du chômage sont mauvais, et que c’est prévisible, la croissance étant inexistante depuis plusieurs trimestres: on est en sous-productivité. La France est aussi l’un des pays où les seniors quittent le plus tôt leur emploi, et cela a aussi un impact important.

Elie Cohen considère que pour les économistes, le plein emploi correspond à un taux de chômage naturel, et que ce taux, en France est à 9%, ce qui est particulièrement élevé.

Françoise Gri prend l’exemple du secteur du tourisme. Secteur schizophrène: on ne veut pas que la France devienne un parc d’attraction, mais on reste fier du nombre de touristes qui viennent visiter notre pays. Un secteur en avance dans sa transformation digitale, selon madame Gri. Mais le tourisme, c’est (seulement?) deux millions d’emplois, 17e secteur en termes d’emplois créés: c’est un tourisme d’infrastructure, où on n’a pas créé tous ces services qu’on rencontre à l’étranger, où l’on trouve des emplois soit très qualifiés, soit très peu. Ce sont ces derniers qui sont la solution dans un certain nombre de pays.

Dans une période de croissance nulle, ce sont les parcours entrants et sortants qui font les frais les premiers. Pour changer cela, il faut se permettre une certaine dose de mobilité.

Alain Juppé considère qu’en quinze ans, quelque chose a changé dans le domaine de la recherche: de nos jours, les chercheurs acceptent désormais de travailler en entreprise. Quand il marche, le système éducatif français marche bien. Le problème, ce sont les enseignements techniques et professionnels, qui sont laissés au bord de la route.

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Le sujet de l’apprentissage occupe une bonne partie des débats. L’apprentissage a été saisi dans un sens social, mais non dans un sens économique, expose Jean-François Pilliard. Pour Françoise Gri, l’apprentissage (ou l’alternance) fait peser sur l’entreprise un accompagnement pas toujours simple à mettre en oeuvre.

Elie Cohen revient sur l’optimisme d’Alain Juppé au sujet de l’éducation en France. Il ressort les enquêtes PISA, qui confirment une lente dégradation du niveau générale, et l’hérédité sociale. C’est un immense échec collectif, que les Allemands ont réussi à corriger il y a dix ans.

Deuxième élément important, l’OCDE rapporte une dégradation continue des compétences au travail: il y a là un problème de formation continue, et l’adéquation de la force de travail aux enjeux de notre ère de nouvelles technologies. La grande vague numérique, qui a créé une « bosse » en Amérique, n’a pas eu de tels impacts positifs en Europe et en particulier en France.

Si la droite revient au pouvoir, elle supprimera les 35 heures, confirme Alain Juppé (applaudissements dans la salle). Il y a un consensus: pour créer des emplois, il ne faut pas s’éloigner de l’euro, il faut remettre les entreprises en situation de compétitivité, et rénover le système de formation. Un mot n’a pas été prononcé: la « confiance ». Elle n’est pas au rendez-vous (mais dans quel pays l’est-elle, aimerais-je dire?).

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Denis Kessler en action. Beaucoup d’humour, dans la fable avec laquelle il décide de commencer son intervention: les poules et les dindons. L’ex ambassadeur de Chine, qui n’a peut-être pas pu tout saisir au rythme où Denis Kessler scande sa fable, rappelle que les chinois sont friands de sagesse ancienne.

Quant au patron d’Adecco, il est content que Kessler n’ait pas choisi de déclamer le code du travail. Avec élégance, il évoque le rang de 5e puissance mondiale de la France, malgré ses faiblesses: 35 heures, dialogue social difficile, niveau de taxation élevé. L’économie mondiale, c’est 75 000 milliards d’euros, dont la France représente 4% Les 500 plus grandes entreprises, parmi lesquelles on compte plusieurs françaises, doivent s’affranchir des frontières.

alain juppe et ses lunettes rouges

Alain Juppé rappelle le potentiel extraordinaire de la France, et le terrible problème démographique de l’Allemagne.

Wu Jianmin considère que trois choses sont à l’origine du chômage, qu’il qualifie de phénomène superficiel. Premier problème, les 35 heures: à son arrivée en France en 1998, il expliquait à ses collègues chinois ce qui se passait en France, et tout le monde rigolait. En Chine, le travail est quelque chose de noble, et non un fardeau. Si on le considère comme un fardeau, on encourage la paresse. Deuxièmement, l’importance du secteur privé: sans le développement du secteur privé il y a 30 ans, la Chine ne serait pas où elle en est aujourd’hui. Merci Deng Xiaopin.

Note: ça me rappelle une blague. La Chine est un pays capitaliste qui se croit communiste, alors que les Etats-Unis d’Amérique sont un pays communiste qui se croit capitaliste.

(nouvelle et dernière pause)

Wu Jianmin continue, et parle d’une maladie contagieuse, qui s’appelle l’égalitarisme. Là, il touche un point sensible, c’est la devise nationale. L’égalitarisme n’existe pas en Chine: qu’on travaille bien ou mal, on aurait le même salaire? Malheureusement, l’égalitarisme est une maladie qui disparaît difficilement, et qui vire tragiquement et rapidement au populisme. L’égalitarisme permet de gagner beaucoup de voix aux élections.

Paradoxalement, c’est Alain Juppé qui remet de l’ordre, en rappelant que les inégalités vont croissantes dans le monde, et que jamais les riches ne se sont autant enrichis. Alain Juppé est fier du modèle de protection sociale français. Le patron d’Adecco rappelle, lui, que la situation peut devenir intenable si plus de personnes profitent du système de protection que de personnes qui alimentent le système.

Alain Juppé rappelle qu’il vaut mieux réformer, plutôt que casser, un modèle extraordinaire qui connaît quelques pannes. Il propose par exemple de caler l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie, ce qui est une idée intelligente. Patrick de Maeseneire n’en démord pas, pour lui, le coût salarial est trop élevé.

Denis Kessler explique que le système de protection sociale ne peut pas laisser des dettes. Un état peut s’endetter, mais pas sur son système de protection sociale.

Interpelé par Alain Juppé sur le modèle de protection sociale suisse, Patrick de Maeseneire explique qu’en Suisse, la croissance est de 2%, le taux de chômage de 3%. Il faut un système de protection, mais si ce système coûte 2/3 de l’économie, c’est intenable, et il faut réformer. Faut-il l’abandonner? Pas du tout.

Wu Jianmin dénonce le manque de courage des hommes politiques, qui ont peur de mettre en oeuvre des réformes et risquer de perdre des élections. Alain Juppé dénonce justement le populisme d’une telle remarque, et prétend que si on le mène au pouvoir, il en sera capable. Un peu plus et il se déclare candidat pour 2017 🙂

Pour Denis Kessler, le dialogue social doit se faire dans l’entreprise. Cela permet d’avoir un interlocuteur, de faire des arbitrages, de discuter dans le temps. Il y a en France un problème de représentativité syndicale. Le dialogue doit revenir dans l’entreprise. Le dialogue social, c’est comme le PACS: a plus de deux, cela ne marche pas.

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