La marge de manœuvre

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Il y a, dans le français courant, des expressions toutes faites dont on a parfois du mal à trouver l’origine, et pour lesquelles on se demande comment elles sont devenues aussi populaires. La « marge de manœuvre » en fait partie. D’où vient ce terme aussi inélégant que précieux? Est-ce une pratique des anciens manœuvres? Ou l’invention d’un quelconque monsieur manœuvre, ancêtre du journaliste qui porte le même nom?

Sous son inélégance totalement subjective, la marge de manœuvre exprimé une notion ô combien nécessaire: la prise en compte d’une marge de sécurité. Sa présence permet de de préserver d’éventuels coups du sort. Son absence, en revanche, vous laisse sous la menace du moindre pépin.

J’aime la marge de manœuvre. Comme tout ce qui est à la marge, elle sort du cadre, et révèle le niveau de préparation à l’imprévu de celui qui en a tenu compte. C’est une marque de noblesse, de distinction. Egalitaire, elle protège les pessimistes comme les optimistes. Elle ne coûte en général pas grand chose, et ses bénéfices sont immédiats dès lors que les choses se présentent mal – ce qui est loin d’être aussi rare qu’on le dit, si j’en crois monsieur Murphy.

Ce qui a de bien avec elle, c’est qu’on peut la voir partout, même dans nos besoins les plus élémentaires. Privez-vous de manger et vous la reduisez, en manquant de sucre. Privez-vous de sommeil et vous diminuez votre résistance à la fatigue.

Las, notre époque ne se soucie guère de la marge de manœuvre. Vivant sous le diktat d’un « toujours plus vite, toujours plus juste », nous avons peu à peu abandonné la marge de manœuvre. Nous lui avons préféré le principe de précaution, beaucoup plus castrateur, et qui nous prive de plusieurs degrés de liberté. La marge de manœuvre réduit les dégâts, la principe de rechutions annihile le risque, et empêche toute progression.

Il faut d’urgence réhabiliter la marge de manœuvre. Sous peine d’en manquer à court terme…

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