Le bug humain

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Connaissez-vous le striatum ? Probablement pas. C’est pourtant le personnage principal de ce livre, classé numéro un des ventes Amazon en neuropsychologie. Cette petite zone cérébrale qui n’occupe que quelques dizaines de cm3 de notre cerveau joue en effet le rôle principal dans tout ce qui touche aux automatismes qui assurent notre survie en tant qu’individu. Oui, mais pour Stephane Bohler, auteur du Bug Humain, c’est justement ce qui risque de nous poser de sérieux problèmes.

Le rôle du striatum, voyez-vous, c’est de veiller à notre survie : se nourrir, se reproduire, s’informer, s’assurer un statut social et se ménager. ans lui, l’espèce humaine aurait bien du mal à se maintenir jusqu’à aujourd’hui. En émettant des décharges de dopamine à chaque fois que nos actes contribuent à l’un des cinq objectifs précédents, le striatum contribue au renforcement des liaisons nerveuses qui subviennent à nos besoins essentiels.

Hérité des primates et des formes animales les plus anciennes, ce mécanisme naturel a fait merveille pour aider nos ancêtres à survivre dans toutes sortes de contextes hostiles. En les aidant à repérer les bons aliments, les proies faciles, les partenaires les plus aptes à perpétuer l’espèce, en favorisant la sélection naturelle des organismes les plus aptes à la survie.

Pourtant, ce mécanisme qui a fait merveille par le passé pour maintenir en vie un groupe humain de quelques millions d’individus n’est pas adapté à notre époque. Car la boucle de rétroaction des décharges de dopamine ne connaît pas de limites. C’est en effet le striatum qui est à la base des comportements addictifs, des boulimies, de l’envie insatiable de consommer plus, posséder plus, dominer plus.

S’appuyant sur de nombreuses études et expériences, Sebastien Bohler explique avec force détails les effets pervers du mode opératoire de nos striatums. Alors que nous devrions réfréner notre envie irrésistible de tout posséder, tout consommer, nous participons presque tous, jour après jour, à l’épuisement des ressources terrestres. Déforestation pour accroître la production de céréales servant à alimenter les bêtes qui finiront dans nos assiettes, émissions de CO2 dues à notre propension à passer des heures à consulter des vidéos ou à miner du bitcoin, recherche permanente du profit le plus élevé, guerres de toutes sortes, les méfaits de nos striatums sont innombrables selon l’auteur, qui y consacre les deux tiers du livre. Parfois jusqu’à l’overdose. C’est bon, on a compris.

On a compris ?

Lui, il n’a pas l’air d’accord.

Vraiment ?

Non, malheureusement. Nous sommes une espèce maudite. Nos organismes sont conditionnés génétiquement pour fonctionner de cette manière. Il n’y a pas de solution, et c’est avec le sentiment de vivre les dernières minutes d’un film catastrophe qu’on parcourt les dernières pages du livre.

Jusqu’à ce que Sebastien Bohler envisage une solution. Prudemment, il finit par nous expliquer qu’il n’y a pas que ces 5 pulsions qui font vibrer notre striatum. Il y a d’autres moyens de l’activer. Par exemple en ayant des comportement généreux (mais pas chez tout le monde). Ou en ayant le sentiment d’apprendre quelque chose (mais cela ne dure que jusqu’à ce qu’on maîtrise un nouveau savoir).

Le véritable moyen de s’en sortir, c’est de faire passer le striatum sous contrôle d’une autre partie de notre cerveau, celle qui nous distingue du règne animal par sa taille : le cortex préfontal. C’est grâce à lui qu’on peut envisager de (re)devenir raisonnable. Et pour y parvenir, Sebastien Bohler nous recommande une approche : la méditation et la pleine conscience. Il évoque, pour cela, des expériences de frugalité en pleine conscience, qui déclenchent les mêmes mécanismes que ceux que nous devrions redouter.

Seul hic : ce n’est pas à la portée de tous. Alors il faut chercher des alternatives, des systèmes qui nous poussent à la mesure, au contrôle, comme les religions, par exemple. Chercher dans la pratique religieuse qui peut conduire à l’ascèse la réponse au bug humain, c’est un comble, non ?

L’avenir n’est pas rose.

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