La fabrique des terroristes

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Voici un livre que vous devez absolument lire et faire lire. Son auteur, le père Patrick Desbois, s’implique depuis plus de vingt ans pour mettre à jour l’étendue de ce qu’on appelle la Shoah par balles, c’est à dire les massacres des populations juives d’Europe de l’est par les Einsatzgruppen, avant la mise au point de l’infrastructure de chambres à gaz par les Nazis. Toujours mobilisé par la collecte de témoignages de survivants de cette période, qui se font de plus en plus rares, le père Desbois s’est récemment impliqué dans la collecte de témoignages d’un génocide qui se déroule, lui, sous nos yeux ou presque, du moins dans le temps présent: il s’agit de l’éradication du peuple Yezidi par les troupes de Daech, depuis quelques années. Il raconte les premiers témoignages dans un livre, La fabrique de terroriste, paru récemment. Récit bouleversant, à plu d’un titre.

Les Yezidis, c’est un groupe humain de quelques centaines de milliers d’individus, qui pratiquent une forme de monothéisme millénaire et apparemment pré-judaïque, aux confins de la Turquie, de l’Iran, de l’Iraq et de la Syrie, sur un territoire revendiqué par les Kurdes, qui semblent bien s’entendre avec la population Yezidi. Mais lorsque l’État Islamique a envahi cette zone et pris possession d’un territoire allant de Sinjar à Alep et Tiqrit, le destin des Yezidis a basculé. Aux massacres de masse ont succédé les enlèvements des jeunes enfants, enrôlés de force auprès des troupes de Daech pour servir d’esclaves pour les tâches dangereuses, voire d’apprentis terroristes une fois le lavage de cerveau opéré, et les enlèvements de jeunes femmes qui servent, elles, d’esclaves sexuelles dans les bordels de Mossoul.

Suivant la même méthode qu’en Ukraine et en Biélorussie, le père Desbois, entouré d’une petite équipe de collaborateurs et de gardes du corps, collecte patiemment les témoignages de survivants, femmes qui ont réussi à s’échapper ou victimes de commandos qui ont par chance réussi à s’extirper de fosses communes. Mais contrairement aux interviews de la Shoah par balles, réalisées cinquante ans après les faits, le père Desbois a la chance ici, si l’on peut dire, d’obtenir des témoignages des victimes elles-mêmes. Leurs récits, au coeur même du système Daech, fait frémir.

Le travail du père Desbois mérite non seulement qu’on s’y intéresse, mais qu’on en élargisse l’audience. Avant qu’il ne soit trop tard. Ce qu’il montre, c’est que quelles que soient les époques, les méthodes restent les mêmes, parce que les besoins des hommes restent les mêmes. Pour mobiliser des troupes au combat, dans des conditions sordides, il faut assouvir leurs instincts primaires: sexe, violence et pouvoir sont au rendez-vous. La mécanique du massacre s’organise peu ou prou de la même manière.

Le père Desbois, au travers de son association, Yahad In Unum, a besoin de vos dons pour continuer d’opérer dans des lieux où les excès d’intolérance sèment la mort au quotidien.

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