Des juifs engagés dans la nation

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Des juifs engagés dans la nation, c’est le titre du livre au thème original, écrit par Moché Lewin, rabbin du Raincy et directeur exécutif de la conférence des rabbins européens, sur un thème original: l’histoire de l’aumônerie israélite au sein de l’armée française. Un livre déjà récompensé, puisque Moché Lewin s’est vu décerner le prix Edgar Faure 2017, en compagnie de François Sureau, et des journalistes Bernard Pascuito et Olivier Biscaye.

Je ne sais pas à quand remonte l’apparition des premiers aumôniers militaires juifs. Serge Delwasse, qui connaît bien l’histoire de l’Ecole Polytechnique, pourrait peut-être nous aider à en retrouver les premières traces. Des élèves juifs ont en effet intégré la prestigieuse école dès le début du 19è siècle. Mais c’est probablement avec la première guerre mondiale et l’incorporation massive de soldats de confession israélite, comme on le disait à l’époque, que le rôle de l’aumônerie juive prend son essor. Avec la professionnalisation des armées, le rôle des aumôniers a sensiblement évolué, en raison de la probable raréfaction des soldats juifs au sein de l’armée française depuis la disparition du service militaire. L’aumônerie israélite des armées possède un blog, malheureusement à l’abandon depuis 2014

Je me souviens très bien des deux aumôniers juifs que j’ai fréquentés durant mon service. Le premier, c’était à Sarrebourg, où je passai 7 mois au sein du 102ème GRMCA (devenu 1er RMAT). J’ai oublié son nom (probablement Wolff ou quelque chose comme cela). Assez âgé, il résidait avec sa femme dans cette ville de près de 12000 habitants, dont la moitié ou presque étaient des soldats. Il m’avait mis en relation avec une famille d’agriculteurs juifs lorrains, les Freund, qui m’ont accueilli de temps à autre.

Le second, c’était l’aumônier qui était en charge des élèves polytechniciens, le grand rabbin Emmanuel Chouchena, auquel le grand rabbin de France Haïm Korsia rend ici hommage. Il était moins présent que Lucien Magnichever, qui organisait un cours de Talmud sur le plateau. Mais ses deux ou trois apparitions en deux ans m’ont laissé un souvenir amusant.

Mais de tous les aumôniers que j’ai pu rencontré durant mon service, c’est celui – catholique – de Bourges qui m’a laissé l’impression la plus durable. J’étais alors EOR à l’ESAM. Ancien parachutiste au physique de rugbyman, cet aumônier s’était pris d’affection pour moi, et avait insisté pour faire en ma compagnie le raid de 70km qui ponctuait les deux premiers mois aux EOR. Les organisateurs de ce raid avaient oublié la nourriture cacher, je n’avais donc rien à manger pour effectuer cette journée intense de marche à travers le Berry. Durant tout le trajet, cet aumônier militaire fort sympathique, qui m’avait fait découvrir la liqueur de cédrat, n’avait eu de cesse de trouver une solution à mon problème alimentaire: ce fut auprès d’un couple de retraités américains, perdus en pleine cambrousse, qui m’offrirent des fruits, après que j’eus tapé à la fenêtre de leur cuisine. Je me souviens fort bien de cette scène, inscrite à jamais dans ma mémoire: au fond de leur cuisine trônait une hanoukia, sans doute rapportée d’un voyage en terre sainte…

Il n’y a pas de hasard.

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