Homo Deus

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Vous avez aimé Sapiens? Vous adorerez Homo Deus. Dans la lignée de son précédent succès, Yuval Noah Harari poursuit en effet ses investigations sur l’espèce humaine: après avoir consacré un premier pavé à son passé, c’est à son futur qu’il s’intéresse dans cet opus. Un voyage passionnant pour ceux qui ont apprécié le premier tome. Pour les autres, cela risque d’être plus ennuyeux…

On retrouve dans Homo deus le même propos que développait Harari dans Sapiens: ce qui a fait la réussite de l’espèce humaine, ce n’est ni l’aide d’une quelconque divinité, ni des caractéristiques physiques ou intellectuelles supérieures, mais avant tout la capacité unique ou presque dont dispose l’humanité, pour motiver des groupes humains de dimension quelconque autour de projets communs, de susciter la coopération. Qu’il s’agisse de religions, de conquêtes, de découvertes scientifiques, ou de conflits, il faut voir, dans ce qu’on appelle le génie humain, cette dimension d’intersubjectivité.

Cette caractéristique nous a bien aidé durant les quelques dizaines de milliers d’années qui ont permis à Homo Sapiens d’asseoir sa domination sur la planète Terre. Une domination qui aboutit, à l’aube du XXIème siècle, à la quasi disparition des trois plus grandes menaces sur son avenir: les famines, les épidémies, les guerres. Notre époque est la première qui a réussi, dans une certaine mesure, à mettre un terme aux menaces de disparition prématurées de toute l’espèce.

Mais Yuval Harari s’inquiète, à juste titre: à quoi mène un tel pouvoir? Pour y répondre, l’historien reprend le dessus: Harari va construire son argumentaire sur une vision décalée de l’épopée humaine, au travers de la relation souvent complexe entre sciences et religions. Loin de les opposer systématiquement, Harari remarque fort opportunément qu’elle s’imbriquent et se soutiennent. Là où la religion s’intéresse à l’ordre, la science s’intéresse au pouvoir: les liens sont plus étroits qu’on ne le croie.

Pourtant, l’accélération du rythme des découvertes scientifiques s’est accompagné d’un déclin des grandes religions traditionnelles, au profit d’une religion unifiée, ce qu’Harari qualifie de révolution humaniste. Ce n’est plus la connaissance qui drive les êtres humains, mais le ressentir. Harari en distingue trois souches: l’humanisme libéral (les démocraties modernes), socialiste (les régimes communistes) ou nationaliste (le nazisme et les autres avatars). Malgré leurs différences, toutes ces souches visent à développer non pas le savoir humain, mais le bien-être de l’humanité. Toutes aspirent à la disparition des contraintes de toutes sortes, des maladies, et bientôt, à la vie éternelle. Mais pas pour tout le monde.

Hélas, en essayant de réaliser le rêve humaniste, l’humanité risque tout simplement d’en saper les fondements. Pourquoi? Parce que la confiance absolue dans les algorithmes et les données, vers laquelle se dirigent nos sociétés, peut conduire à la disparition d’Homo Sapiens. Soit parce qu’il sera devenu inutile – j’adore l’historie du programme qui doit calculer toutes les décimales de Pi – soit parce qu’il sera devenu esclave d’une fraction de l’humanité dotée de moyens et de pouvoirs supérieurs, soit, enfin, parce que notre individualité sera noyée dans un projet de plus grande ampleur…

L’objet d’un tel livre n’est évidemment pas de prévoir notre avenir. Mais comme le rappelle Harari, c’est en imaginant une vaste gamme de scénarios possibles qu’on habitue les individus à en évaluer les risques et à prendre la mesure de ce qui se prépare. Homo deus, comme Sapiens, mérite donc qu’on lui porte une certaine attention.

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