Borotra, pour la Patrie, les Sports, la Gloire

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par François Mayer (X45) et Serge Delwasse (X86)
tennis x
oui, regardez bien, on jouait au tennis dans la cour de l’x au début du XXème siècle !
 

 

Remarque liminaire de Delwasse : à l’origine, je voulais intituler ce papier Borotra, au service-volée (quel jeu de mots !) de ses convictions. Puis je me suis aperçu qu’un étudiant avait intitulé son mémoire de maîtrise Jean Borotra, au service de ses engagements. Le calembour est certes moins tennistique. Nonobstant, ne voulant pas être accusé de plagiat, j’ai polytechnicianisé notre titre

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Voici 18 mois, Brachon, Ricaud et Delwasse mettaient en ligne un papier sur Yves du Manoir, le plus mythique des X sportifs de haut niveau. Il semblait donc naturel de poursuivre la série, avec le second champion de l’entre-deux-guerres, Borotra (20S).  Mais Delwasse était mitigé. Ecrire un papier sur ce salaud de vichyste ? Jamais ! Et puis il a trouvé Mayer. Le deal fut simple : il instruisait à décharge, et Delwasse à charge. Heureusement, les choses ne se passent jamais comme prévu…
Le contexte : Jean Borotra, X20 Spéciale – c’est-à-dire qu’il a passé le concours réservé aux anciens combattants – est célèbre, dans l’ordre, pour avoir :
  • été l’un des mousquetaires de la coupe Davis
  • été commissaire général aux sports de Vichy
  • joué à très bon niveau jusqu’à un âge avancé
  • présidé l’association pour la défense de la mémoire du maréchal Pétain
Parmi les X d’après 75, il est surtout célèbre pour avoir une avenue à lui, avenue qui mène de la cour Ferrié au Stade d’honneur.
François Mayer au service. L’ancien parle, conscrit, tiens ta langue captive, et prête à ses discours une oreille attentive
Voici dans le désordre deux ou trois choses sur Jean Borotra. Souvenirs personnels, ou informations recueillies auprès de mon père (Armand Mayer, X13) qui a fait sa deuxième année à l’X  après la guerre, et de mon beau-père de la promo 22.
Jean Borotra a fait ses deux ans, entre les deux, mais à l’époque, les polytechniciens de promos voisines se connaissaient mieux qu’aujourd’hui. Les effectifs étaient moins importants, et les promos de guerre (celle de mon père comme de Borotra), avaient été décimées, et même plus. Sans être intimes, ils avaient de bonnes relations.
1 Mon père l’admirait pour avoir concilié le sport de haut niveau et une belle carrière professionnelle.
* Sport de haut niveau : même si le tennis n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, deux titres en simple à Roland-Garros et deux à Wimbledon, un en Australie, et de multiples titres en double (jusqu’à un âge avancé). Et une demi-douzaine de finales gagnés en coupe Davis. Enfant, je l’ai applaudi à Roland-Garros, au moment où il terminait sa carrière en simple, pour la poursuivre en double. Il a inventé le service-volée. Il était presque impassible au filet, avec des réflexes exceptionnels, et sa vitesse de déplacement était remarquable. Sans parler du service.
* En outre, c’était un showman, plaisantant sur le court, un peu comme Henri Leconte à Wimbledon ou Connors et Nastase. Il y avait le rituel du béret (basque) qu’il mettait quand le public le réclamait sur l’air des lampions : « le béret, le béret ! » ou qu’il enlevait quand la partie devenait serrée. Autre rituel, celui des espadrilles (basques) dont il changeait quand il avait besoin de casser le rythme d’un adversaire qui le dominait. A l’époque, il n’y avait pas de pauses aux changements de côté. Enfin, il lui arrivait souvent de demander à rejouer le point quand l’arbitre avait, par erreur, déclaré out une balle de l’adversaire. Il le faisait même sur des balles de set (à son détriment).
Il était aussi coutumier du renversement de situation. En finale de Coupe Davis, mené par Vines deux sets à rien, 5/2 et 40-15 dans le troisième set, il a tout remonté et gagné son simple.
Il n’était peut être pas le meilleur tennisman des 4 mousquetaires (Lacoste surtout, et Cochet lui étaient probablement supérieurs) – mais il était le plus doué physiquement, et de loin le plus populaire.
2 Il avait beaucoup pratiqué la pelote basque dans sa jeunesse, et il était quasi débutant au tennis lors de son entrée à l’X (20 spéciale). Il a beaucoup plus travaillé ses coups de raquette que les disciplines scientifiques. Et c’est pendant son séjour à l’école qu’il a percé.
Pantouflard, il a été embauché par la SATAM (pompes à essence) en qualité d’ingénieur commercial, à la commission (peut être pas en totalité, mais pour une part importante de sa rémunération). En contrepartie, il était libre d’organiser son programme. Comme il travaillait à l’exportation, il combinait une tournée en Grande-Bretagne avec Wimbledon, ou en Allemagne après Berlin ou Hambourg. Il profitait de sa popularité sportive pour entrer chez les clients et décrocher des contrats.
En outre, les années 20 ont vu un développement considérable de l’automobile, et par conséquent du marché des pompes à essence. Il a bientôt gagné plus que son Président.
Je sais que, lors du rachat de la SATAM par le groupe de la Générale d’Entreprise (énergie et travaux publics), le plafonnement des appointements de Borotra fit l’objet d’une négociation longue, amicale et délicate entre le nouveau président et l’intéressé. Tous les deux étaient de promotions très voisines (Huvelin X21) . Avant la lettre, Jean Borotra était un « people », un membre de la « jet-set » d’autant qu’il avait beaucoup de charme, et un contact très chaleureux.
3 Venons en au chapitre le plus délicat.
Comme nombre d’anciens combattants, il avait adhéré au PSF (Parti Social Français) fondé par le colonel de la Rocque après la dissolution des Croix de Feu.
Si le colonel de la Rocque s’inspirait des régimes autoritaires, en réaction contre l’instabilité gouvernementale chronique de la IIIème République, il n’était pas vraiment fasciste. Le 6 février 1934, les Croix de Feu auraient pu, sans problème, occuper le Palais Bourbon. Il s’y était opposé, car il était légaliste et non révolutionnaire. Il était aussi très anti-allemand. Il a été arrêté sous l’occupation et déporté en Allemagne. Son adjoint, Charles Vallin, député de Paris, avait rejoint Londres et s’était engagé dans une unité combattante (le bataillon de choc, je crois).
Borotra qui était aussi un grand admirateur de Pétain, depuis la guerre de 14-18, faisait donc partie de cette mouvance.
En 1940, il a été Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports. Et ceci jusqu’au retour de Laval en avril 42. En matière de sports, il a combattu le professionnalisme qui lui paraissait antinomique de l’esprit sportif.
En matière de jeunesse, il a essayé d’utiliser certains sports pour pallier l’absence de préparation militaire. Par exemple, le ski lui paraissait une bonne préparation pour de futurs pilotes. Je n’en sais pas plus.
Après le débarquement allié de novembre 42, il a décidé de partir en Espagne puis en Afrique du Nord. Il en a informé la maréchale Pétain, en lui écrivant que reprendre la lutte contre les Allemands était une manière de rester fidèle à son serment. C’était aussi une imprudence, car il y avait des espions allemands à Vichy.
Dans le train pour Madrid, les Allemands ont contrôlé des bagages et ont trouvé son uniforme d’officier dans sa valise.
Arrêté, il a été interné en Allemagne dans le même château que Daladier, Paul Raynaud, Gamelin, Weygand et peut-être d’autres (château d’Itter).
A son retour en mai 45, il a été mis en examen comme tous le anciens membres de gouvernements de Vichy.
Il a obtenu un non-lieu dans la journée – un record inégalé – rapide devant la justice, comme sur le court.
4 Là intervient un souvenir personnel.
En août 45, fraîchement reçu à  l’X, j’étais en vacances Biarritz. Les Américains venaient d’y installer une des trois universités pour GI’s (avec Cambridge et Heidelberg). Le Générale Marshall, avait eu cette idée pour modérer le flux des retours des GI’s aux USA et faciliter la réinsertion de plusieurs milliers d’entre eux.
J’avais, par hasard, fait la connaissance d’un sergent, professeur d’histoire…et ancien champion universitaire de tennis et remplaçant de l’équipe de la Coupe Davis qui aurait dû se dérouler en 40, mais qui avait été annulée. Très simple, il avait la gentillesse de jouer avec le joueur non classé que j’étais (et que je suis toujours resté). Un jour, Borotra, l’enfant du pays, a fait son retour à Aguilera (le club de tennis de Biarritz). Il cherchait un partenaire et le secrétaire du club est venu nous demander d’interrompre notre partie pour que mon partenaire (le champion américain professeur d’histoire) puisse jouer avec l’ancien « Mousquetaire ». J’ai arbitré leur simple. Et à la fin, Borotra m’a proposé de jouer un set contre lui, en guise de remerciement. Il n’avait pas joué de depuis deux ans. Mais il n’a pas eu beaucoup de mal à me battre 6/3 (je m’en souviens encore, même si les trois jeux ont été probablement consentis, ou octroyés, par politesse).
Dans le vestiaire, il me complimenta pour mon tennis, et me demanda ce que je faisais dans la vie. Quand je lui ai parlé de mon admission à l’X, la flatterie est de venue dithyrambe :
« Ah ! Si j’avais joué comme vous quand je suis entré à l’X! » C’était tout juste si je ne devait pas gagner Roland-Garros à la sortie de l’Ecole ! Mais ce n’était pas fini. Sortant ensemble du vestiaire, nous avons rencontré ma mère, à laquelle il avait déjà été présenté avant la guerre dans des réceptions. Apprenant que j’étais son fils, il ne fit pas non plus dans le détail :
« Vous, sa mère ? mais c’est impossible. Sa sœur aînée peut-être... » Il était très séducteur. Et il ne craignait pas dans faire trop. Et même si on n’y croyait pas, ce n’était pas désagréable, et on ne pouvait pas lui en vouloir.
Par la suite, quand il m’apercevait à Aguilera, il se contentait d’un petit salut sympathique. mais j’avais eu mon quart d’heure de gloire tennistique.
Tu comprendras pourquoi je ne dirai jamais de mal de Borotra.
L’ancien a parlé. L’ancien a bien parlé, mais le conscrit n’a pas dit son dernier mot.
Avantage Service.
Delwasse s’efforce de relancer
Reprenons donc dans l’ordre :
Sa Guerre de 14
Il a assurément fait ce qu’on appelle une « belle guerre ». Engagé volontaire en 1916, à 18 ans, dans l’artillerie, il est rapidement aspirant, puis sous-lieutenant à titre temporaire. Même si son grade n’est rendu définitif qu’en 1921, il est plusieurs fois cité et reçoit la croix de guerre.
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Son concours
Admis 67ème, ça n’est pas mal. La note d’épure (1/20 !), par contre ça fait un peu désordre. Je rappelle que toute note inférieure à 4 est éliminatoire. Il semblerait que les 182 points pour « services de guerre » aient servi à quelque chose
concours borotra
A la boîte Carva
Je commence par la question tradi : Borotra était-il missaire ? Je ne peux que vous encourager à observer attentivement le premier personnage à droite du dernier rang, sur la photo de la khômiss 1920 – Vous noterez que c’est une khômiss nombreuse, doublée pour cause de promo doublée (20 N et 20S). Il y a également 4 kessiers. – Ca ressemble. Ça ressemble même beaucoup. Evidemment, s’il est missaire, je vais avoir un peu de mal à le détester…
khômiss 20
Son classement – 221ème sur 234 est également un classement de missaire, ce malgré un 20/20 en note mili, aussi appelée note de gueule :
notes borotra x
Enfin, il y a cette anecdote, rapportée par Jean-Paul Choquel (68), que je tiens à remercier:
Je me souviens parfaitement du speech que Louis Leprince-Ringuet avait fait sous la coupole à l’occasion de la célébration du bicentenaire de l’École Polytechnique, racontant son aventure à propos de Borotra :
“J’étais élève de la promo 1920N, Borotra était de la 1920S. Admis avant moi, il avait fait la guerre et avait rejoint l’École après. Nous y étions donc ensemble. Borotra aimait le tennis et il s’était inscrit à une compétition à Bruxelles sous un faux nom : Otrabor. Malheureusement, un oral de physique tombait à la même date et Borotra m’a demandé de l’y remplacer… J’ai donc dû endosser son uniforme. Or il était officier et décoré. Je n’étais ni l’un ni l’autre. J’étais assez nerveux car, si peu de temps après la grande guerre, on ne plaisantait pas avec le port illégal de l’uniforme et des décorations !Je l’ai remplacé en faisant de mon mieux pour répondre à l’examinateur… À la fin de l’examen, celui-ci m’a dit : “Borotra, vous devriez travailler la physique au lieu de tout le temps jouer au tennis !””
Alors, missaire ou simplement trop de tennis ?
notons au passage qu’il a gagné le tournoi de l’Ecole. contrairement à ce que sa notice biographique sur le site de l’école mentionne(ait), je n’ai pas trouvé de trace de sa présecne dans l’équipe qui a gagné le Championnat de France militaire de Football. Et il n’est pas la photo dont je dispose
Il également gagné le match tradi – qui n’a eu que deux éditions – contre St-Cyr, ancêtre du TSGED.
x cyr borotra
Après l’Ecole
Je ne reviendrai pas sur sa carrière professionnelle si bien décrite par Mayer. Je ne décrirai pas non plus sa carrière sportive, Wikipedia le fait mieux que moi. Petit clin d’oeil toutefois, Pierre Lescanne, fils de Lescanne (24, et donc cocon d’Yves du Manoir), m’informe que ce dernier a gagné le tournoi de l’X (probablement en 26), tournoi dont la finale était arbitrée par Borotra.
Notre ami était ce qu’on appelle aujourd’hui un fana mili. Je ne peux résister au plaisir de vous mettre l’intégralité de ses états de services. Il en a bouffé de la réserve !
services borotra    services borotra 2services borotra 3Il était également, comme l’a justement rappelé Mayer, membre des Croix de Feu. Grand admirateur du colonel de la Rocque, il lui écrit ainsi le 9 août 1928 :

« Je saisis l’occasion que me donne cette lettre pour vous dire toute l’admiration que j’ai pour cette oeuvre magnifique que vous poursuivez et à laquelle je regrette de n’avoir pas davantage le temps de m’intéresser.

J’espère bien cependant avoir cet hiver le plaisir et l’honneur de vous rencontrer à l’occasion d’une manifestation que vous organisez ». source :centre d’histoire de l’europe du 20ème siècle, fond la rocque, carton lr46, chemise ligue de la défense aérienne
Peu de temps après il publie cette merveilleuse tribune, qui le ferait passer aujourd’hui pour un dangereux fasciste. Ô tempora, ô mores ! Néanmoins, on ne m’enlèvera pas de l’idée – nous y reviendrons plus loin, qu’il était, déjà, un peu réac.
papier croix de feu
La guerre de 39-45
Si notre lecteur a lu de façon attentive les états de service, il n’aura pas manqué de noter que Borotra, capitaine de réserve de 40 ans, a été mobilisé, et a fait l’intégralité de la guerre.
Arrive le moment délicat – Vichy – le Commissariat Général aux Sports
Tout d’abord, cher lecteur, je me dois de t’expliquer à quoi sert ledit commissariat. Pas uniquement à s’efforcer d’éviter aux sportifs de se ridiculiser en parlant à la presse :inteview radio:
Pas non plus à définir les dimensions des courts de tennis et des terrains de rugby. Notez cependant la liste des sports mentionnés :
dimensions des terrain
Oui, Cher Lecteur, tu l’auras compris. Borotra Commissaire Général aux sports s’est donné deux missions :
  • Fortifier la Jeunesse français par le sport
  • Mais surtout définir quels sont les sports acceptables – amateurs… – et ceux qui ne le sont pas. Exeunt le Rugby à XIII, le football professionnel… Nous y reviendrons, mais je te demande, d’ores et déjà, de noter que la politique sportive de Vichy consistait, entre autres, à regrouper, de force, les fédérations de sports « voisins ». C’est ainsi que la FFLT, la Fédération Française de Lawn-Tennis, l’ancêtre de la FFT, a eu le plaisir de se voir absorber le ping-pong – eh, oui, ça s’appelait comme ça à l’époque – le badminton, la longue paume et… la courte-paume.
La vie du tennis et de sa fédération, pendant la guerre
Pour mémoire, Pierre Gillou, président de la FFLT, a souhaité démissionner dès 1941. Pierre Gilou était une figure du tennis français. Il avait en effet été le capitaine de l’équipe de la coupe Davis. Borotra a organisé un déjeuner avec Lacoste et lui, et Lacoste est devenu président de la FFLT, ce jusqu’en 1944. Officiellement, Borotra ne joue donc aucun rôle dans la gestion du tennis français. Néanmoins, son amitié avec Lacoste, son pouvoir, en particulier financier en période de rationnement, font que sa présence est palpable.
Au cours de cette période, la vie de la FFLT est proprement surréaliste. On organise des tournois, y compris Roland-Garros, on publie des classements, on organise des matches d’équipe contre des pays neutres (la Suède) ou l’Allemagne…Et surtout, on se préoccupe de trouver des balles et des chaussures – la caoutchouc était rationné ! Ce qui est incroyable, c’est que le débarquement de juin 44 a lieu, et la FFLT continue à gérer ses petites affaires comme si de rien n’était…
tous les sports juin 44
je mets ici un exemple de CR de comité directeur de la FFLT, un parmi tant d’autres, celui de la démission de Lacoste. C’est consternant. A moins que… Lacoste prétend, dans une interview, qu’il a caché pas mal de résistants. Et si la FFLT n’était qu’une vaste opération de couverture ?
demission lacoste
Je vous donne également le lien vers un papier récent de slate.fr (merci Bart !)
A la libération, Pierre Gillou reprendra son poste !
La reprise de Roland-Garros
Je dois avouer, à ma grande honte, que c’est mon principal sujet de surprise et de déception. Je m’étais imaginé que Borotra avait profité de la guerre pour « piquer » Roland-Garros, qui appartenait conjointement au Racing et au Stade-Francais. La vérité est plus prosaïque – et plus honorable.
Roland-Garros avait, au début de la guerre, servi de camp d’internement. Les locaux avaient été fortement dégradés. D’autre part, le SF et le RCF n’avaient pas non plus les moyens d’assurer l’entretien du stade. Il semblerait donc que la reprise de la concession ait été négociée, la FFLT reprenant également les immobilisations en échange d’un engagement à remettre le stade en état et en laisser bénéficier les deux clubs. La négociation quadripartite (administration / mairie de Paris / FFLT / clubs) fut longue. Néanmoins, la FFT a fait une bonne affaire !
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Après-guerre
Blanchi des accusations de collaboration, décoré, etude lh borotraMayer nous l’a expliqué, ayant gagné assez d’argent pour ne pas avoir besoin de travailler, Jean Borotra a recommencé à jouer au tennis, sport qu’il a pratiqué régulièrement très longtemps, par exemple en jouant avec Denis Grozdanovitch , comme ce dernier le mentionne.
Patrice Urvoy (X65) me rappelle ainsi le match de double organisé à l’X, opposant la paire Borotra – Leprince-Ringuet à Rouyer (X65) et Delarue (65), en 66 ou 67, pour l’inauguration du court de l’Ecole. Delarue se souvient :
« Le Match du siècle, quelques souvenirs
L’inauguration du court de tennis de l’école, qui m’a permis d’affronter aux côtés de Jean-Loup Rouyer, alors n°5 français, la prestigieuse paire d’anciens formée par Jean Borotra et Louis Leprince-Ringuet, reste, à quelques cinquante ans de distance, un grand souvenir. Glissons sur la mauvaise blague (« Ah ! Trois contre deux !») qu’avait suscité chez les plus potaches d’entre nous l’affiche de la rencontre. L’esprit taupin n’était pas si loin !  Le match fut un grand spectacle largement grâce à la présence, dans tous les sens du terme, de Jean Borotra. Le théâtre très ramassé des opérations : faible recul, grand soleil et assistance au bord des grillages, accentuait l’intensité dramatique de l’évènement. La puissance de jeu, surtout celle de Jean-Loup, donnait un net avantage aux jeunes. Alors que l’issue s’est rapidement dessinée, Jean Borotra s’est livré à un magnifique baroud d’honneur en procédant notamment à des changements incessants du positionnement relatif de son équipe, maintenant par exemple son partenaire dans le même couloir que lui tandis qu’il occupait le filet pour deux par un déplacement de dernière minute. Je me souviens avoir été impressionné par l’inventivité des combinaisons hétérodoxes qu’il a alors déployées, engrangeant au passage quelques interceptions marquantes. Aucun souvenir du score qui était sans doute sans appel, mais sans importance face à la formidable leçon d’art du double qui nous a été prodiguée. A l’issue du match, son amabilité et simplicité ont achevé de nous séduire, tant les joueurs que les spectateurs. Alors que ce match a marqué l’apogée de ma carrière tennistique, au moins en terme d’audience, il en a, je crois, malheureusement été de même pour Jean-Loup, qui n’a pas, à ma connaissance, pu donner la mesure de ses formidables capacités. Nous nous sommes rapidement perdus de vue, lui partant à l’étranger dans l’assistance technique, sans doute jusqu’à son décès en 2007. Mais les lecteurs de ces lignes pourront peut-être nous en dire plus. »
Il a également gardé quelques postes d’administrateur, fait un peu de réserve, un peu d’organisations internationales (Tennis, Unesco)…
Mais, il n’y a pas que du bon. Il y a aussi du moins bon, comme cette tribune dans Tennis de France, où il s’opposait fortement à l’ouverture du tennis, la fameuse « ère open », tribune qui lui valut de perdre son poste de vice-président de la Fédération International de Tennis.
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Il y eut carrément le très mauvais, comme cette lettre adressée à Alain Peyrefitte, Garde des Sceaux, pour demander la réhabilitation du Maréchal. Maréchal dont il a longtemps présidé l’association pour la défense de la mémoire..

lettre peyrefitte
Mais, force est de constater que tout ceci n’est pas très grave, et que Mayer a (presque) raison. Difficile de ne pas être impressionné par cet homme courageux et fier de ses convictions.
Ne me reste alors que mon joker. Joker qui est également la raison de ma rancune. Vous vous souvenez de la fusion forcée des fédérations ? Ping-Pong, Badminton, Longue paumes? Le Badminton (en 79)  et le Tennis de table ont repris leur indépendance. La Longue paume également (l’a-t-elle jamais perdue ?). Même le squash est devenu une fédération à part entière au début des années 80. Et la Fédération Française de Courte-Paume, redevenue Comité Français de Courte-Paume, trop faible, à la Libération, avec ses quelques dizaines de membres et restée au sein de la FFT. En soi ce n’est pas dramatique. C’est même plutôt sympa. Les quelques centaines de joueurs de paume sont ravis de faire partie de la FFT.
Je n’ai qu’une question : que sont devenus les actifs de la Fédération d’avant guerre ? Par exemple les locaux du boulevard Richard-Lenoir ?

jo ffcp mieux

Missaire, Séduisant, Réac mais convaincu, voici un portait plutôt assez flatteur, malgré tous mes efforts. Je lui laisserai donc la parole. C’est extrait d’une très jolie video de l’INA. Je vous recommande d’aller jusqu’aux interviews, à partir de la septième minute :

« Une des raisons de notre succès c’est sans nul doute que nous avons été dès l’origine d’excellents camarades, et que nous sommes devenus bientôt de grands amis, …, et dans cette ambiance les plus grands efforts deviennent faciles… »

Missaire, vous dis-je !


Archives

  • L’accès aux archives de la FFT, situées au Tenniseum, est assez aisé. Malheureusement, elles semblent ne rien contenir avant 1950. La loi sur les archives n’était pas encore passée par là. Mes sources ont donc été :
    • Les fac-simile de « Tous les sports », dont sont extraits les PV de Comité directeurs de la FFLT
    • « L’histoire de Roland-Garros », qui m’a été aimablement fournie par monsieur Guittard
    • A noter, toutefois, un très bel album de photos de la tournée de Borotra en Afrique du Nord. Il s’était fait accompagner, entre autres, de Nakache
  • Le dossier militaire (source SHD) m’a également été fourni par Monsieur Guittard
  • Les archives de l’Ecole
  • Et, bien sûr, le couple qui tue Google/ Gallica
  • Enfin, on pourrait probablement trouver pas mal de choses aux Archives Nationales, ou celles de la Ville de Paris. Mais il faut y passer un peu plus de temps que je ne l’ai fait.

Bibliographie

Innovation, la biblio sera multimedia 🙂
outre les ouvrages précédemment cités
de_lart_de_prendre_la_balle_au_bond20100423maitrise gaituer
on pourra se référer à  :
book borotra 1 book borotra 2 book borotra 3

Remerciements

Outre les contributeurs, X, déjà cités, les auteurs souhaitent remercier :
  • M. Olivier Azzola, Responsable des Archives de la BCX ;
  • M. Michaël Guittard, chargé des Collections au Tenniseum/ FFT ;
  • M. Bernard Guidicelli, Secrétaire Général de la FFT ;
  • M. Pierre Lescanne ;
  • les camarades qui ont eu la gentillesse de lire, relire, lister les fautes de frappes, suggérer des corrections, en particulier Dalimier (65) qui m’a donné le nom du partenaire de Rouyer)
  • toute la famille Delwasse, qui a supporté sa difficulté à accoucher ce papier depuis quelques jours.

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